Jacques Callot, né à Nancy en 1592 et mort dans la même ville le 24 mars 1635, est un dessinateur et graveur lorrain, dont l’œuvre la plus connue aujourd’hui est une série de dix-huit eaux-fortes intitulée Les Grandes Misères de la guerre, évoquant les ravages de la Guerre de Trente Ans qui se déroulait alors en Europe.
Il est considéré comme l’un des maîtres de l’eau-forte. Son style se caractérise par la netteté du trait et la profondeur de l’encrage, qui permettent de conserver une parfaite lisibilité à ses eaux-fortes, malgré le fréquent foisonnement des scènes et des personnages, sur des gravures de surface souvent restreinte.
On doit à Callot plusieurs innovations qui permirent le plein développement de cet art, en particulier l’utilisation du « vernis dur ». C’est Abraham Bosse qui diffusa ces innovations, en publiant en 1645 le premier traité jamais publié sur la gravure des eaux-fortes, traité qui sera largement traduit en Europe.
Jacques Callot est né dans une famille lorraine, récemment anoblie. Son grand-père paternel, Claude, avait épousé une petite-nièce de Jeanne d’Arc, et avait été anobli par le duc Charles III de Lorraine, par lettres de noblesse datées de l’avant-dernier jour de juillet 1584, pour « services fidelz et aggréables que par l’espace de vingt deux ans et plus Il nous a faict ».
La passion de Callot pour le dessin est très précoce, nourrie par la fréquentation des artistes locaux : Jacques Bellange, auréolé de gloire par son séjour en Italie, Demenge Croq, l’orfèvre et graveur chez qui il sera plus tard apprenti, et surtout, le père de son ami Israël Henriet, qui donne à son fils des cours de dessin dont Callot bénéficie sans doute également.
Entraîné vers les arts par une passion que sa famille contrarie, il s’échappe, pour la satisfaire, de la maison paternelle, avec comme objectif de rejoindre Rome, sans doute encouragé à sauter le pas par les lettres que lui adresse Israël Henriet, plus âgé que lui de quelques années, depuis cette ville où il est alors parti étudier l’art:
Il s’enfuit de chez lui une première fois, à peine âgé de douze ans, pour gagner Rome à pied, en se joignant à une troupe de Bohémiens, qu’il accompagne jusqu’à Florence. Le souvenir de cet épisode a peut-être été à l’origine de la petite suite de quatre planches, Les Bohémiens, qu’il gravera en 1623-1624. À Florence, il rencontre le graveur Remiglio Canta-Gallina, chez qui il aurait travaillé très brièvement, avant que de continuer son chemin vers Rome. Arrivé finalement à Rome, il est reconnu par des marchands nancéiens amis de sa famille, qui le reconduisent à Nancy. Son père l’oblige à reprendre ses études.
À quatorze ans il fait à nouveau une fugue vers l’Italie. Là, il est retrouvé à Turin par son frère aîné Jean, qui le reconduit en Lorraine. Après ces deux fugues et afin qu’il apprenne le métier d’orfèvre, il est mis en apprentissage par son père chez Demenge Croq, orfèvre-graveur et maître des monnaies du duc de Lorraine, dont il avait d’ailleurs déjà fréquenté bien souvent l’atelier. Le contrat, signé le 16 janvier 1607, prévoit que l’apprentissage de Jacques Callot dure quatre années consécutives. Bien qu’il réalise alors dans ce cadre ses premières gravures (notamment un portrait de Charles III de Lorraine), il abandonne cet apprentissage avant son terme.
Ce n’est que plus tard, à l’âge de seize ans, que son père accepte finalement de reconnaître la vocation de son fils, en l’envoyant étudier les techniques de la gravure en Italie. Jacques Callot s’y rend, en se joignant, dit-on, le 1er décembre 1608, à l’ambassade de Lorraine qui part au même moment pour Rome annoncer au Pape l’avènement d’Henri II au trône de Lorraine, suite au décès de Charles III. Il arrive sans doute au tout début de l’année 1609 à Rome, où il retrouve son ami Israël Henriet.
Après une possible première brève rencontre avec Antonio Tempesta, aquafortiste florentin fort admiré à Rome, il entre à l’atelier du graveur champenois Philippe Thomassin, chez qui il apprend l’art de la gravure au burin. Les premiers travaux que son maître lui confie sont des copies, ce qui constitue une bonne formation. C’est pendant cette période qu’il travaille sur la série des douze Mois et sur les Saisons, et qu’il effectue bon nombre de copies d’œuvres religieuses.
Vers la fin de 1611, il quitte Rome pour Florence, où la réputation de l’ingénieur-architecte-graveur Giulio Parigi l’attire. À la fin de 1611, il arrive à Florence, où les Médicis protègent et encouragent les artistes et les savants (dont Galilée). Après avoir été agréé par Cosme II de Médicis, il entre dans l’atelier de Giulio Parigi.
On prépare alors à Florence la publication d’une pompe funèbre de la reine d’Espagne, Marie-Marguerite d’Autriche, femme de Philippe III d’Espagne, morte à la fin de l’année 1611. Dans ce cadre, Cosme II de Médicis, son beau-frère, confie à Tempesta, l’aquafortiste, la réalisation des 29 planches qui doivent composer l’œuvre. Surchargé par la commande, Tempesta confie alors à Callot la gravure de 15 de ces dessins, lui permettant ainsi pour la première fois de travailler à l’eau-forte. À l’automne 1614, il s’installe au Palais des Offices, où il est admis officiellement comme graveur; c’est alors le début d’une intense activité.
Il passe encore deux ans chez Giulio Parigi à dessiner ou à graver différentes œuvres. En 1615, ce dernier se voit chargé par Cosme II de Médicis d’organiser des fêtes en l’honneur du prince d’Urbino. Giulio Parigi demanda alors à Callot de graver un certain nombre de grandes eaux-fortes pour conserver le souvenir de ces fêtes somptueuses. C’est pour Callot l’occasion de développer son talent : sa carrière est dès lors véritablement lancée, et se poursuit avec la réalisation des Caprices.
Probablement vers 1616, il a l’idée d’utiliser le vernis dur des luthiers florentins pour protéger le cuivre des planches, ce qui va totalement changer les possibilités de l’eau-forte par rapport au vernis mol utilisé jusque là. C’est à la fin de son séjour à Florence, après de nombreux succès, qu’il réalise l’une de ses eaux-fortes les plus grandes et les plus connues, La Foire de l’Impruneta.
En 1621, à la mort du grand-duc Cosme II de Médicis, il répond au désir de Charles de Lorraine de le voir revenir dans son pays, et rentre en Lorraine, où il reçoit un accueil flatteur. Après une douzaine d’années passées en Italie, c’est désormais ici qu’il vivra, ne quittant plus son pays que pour des voyages n’excédant guère six mois ou un an.
Il donne alors libre cours à son talent créatif : il édite les séries pittoresques fondées sur ses souvenirs d’Italie que sont Les Balli et Les Gobbi, ainsi que la série Les Gueux. Dès cette période, il travaille sur l’immense série de planches (490 au total) que constitue le Livre des Saints, et qui ne seront publiées qu’après sa mort.
C’est aussi de cette période que date sa petite suite Les Bohémiens, ainsi que La Foire de Gondreville, pendant français de La Foire de l’Impruneta. Il travaille aussi longuement à cette époque sur la gravure des Supplices, où s’exprimera sa virtuosité.
En 1625, il reçoit une importante commande de l’infante Isabelle-Claire-Eugénie, fille de Philippe II, et gouvernante des Pays-Bas : celle-ci souhaite en effet qu’il immortalise le siège de Bréda, suite à la reddition de la ville, après le siège de près d’un an mené par le marquis de Spinola. Probablement au mois d’octobre 1625 Jacques Callot se rend à Bruxelles à la demande de l’infante, et recueille sur place les informations nécessaires sur la disposition des lieux et des positions, de manière à exécuter la commande reçue.
Pendant son séjour aux Pays-Bas, il rencontre Antoine Van Dyck, qui fait son portrait.
C’est sans doute également pendant ce séjour aux Pays-Bas que Callot dessine les deux vues qu’il grave de Bruxelles. Il rentre probablement en Lorraine dès 1626, et c’est à Nancy qu’il grave les planches du Siège de Bréda, qui seront éditées en 1628. Les six planches du siège de Breda exécutées pour le compte de l’infante Isabelle connaissent un grand succès, ce qui vaut à Callot d’être approché par la maison du Roi de France après la fin du siège de La Rochelle en 1628.
Il vient alors à Paris, dans les premiers mois de l’année 1629, et il est décidé de lui confier non seulement la commande de six planches représentant le siège de La Rochelle, mais aussi six autres planches sur l’attaque du fort de Saint-Martin de l’île de Ré, à exécuter dans le style du Siège de Breda. Il grave ces douze planches à Paris, où il ne séjourne guère plus d’un an, semble-t-il, quittant la capitale française avant même l’édition des planches des deux Sièges commandés. Lors de ce séjour à Paris, il retrouve son ami Henriet, devenu éditeur ; il décide alors de lui confier l’édition de ses futures planches.
Il regagne Nancy en 1630. Après la prise de Nancy, sa patrie, par Louis XIII, le 25 septembre 1633, il refuse de consacrer par son art le souvenir de cette conquête, ajoutant ensuite : « Je me couperais plutôt le pouce ! ». Lorsqu’on lui rapporte ce refus, Louis XIII déclare simplement : « Monsieur de Lorraine est bien heureux d’avoir des sujets si fidèles et affectionnés. », et offre même une pension de mille écus à Callot pour l’attirer en France, et pour l’attacher à son service, ce que Callot refuse.
Loin de chanter les louanges du Roi de France, Jacques Callot publie alors son œuvre la plus connue, la suite Les Grandes Misères de la Guerre. Plus tard, alors qu’il s’apprête à quitter la Lorraine pour emmener sa famille en Italie, à Florence, le cancer de l’estomac dont il souffrait déjà depuis 1630 ou 1631 s’aggrave, et il décède en 1635.
Son œuvre comprend entre 1400 à 1600 gravures, abordant des thèmes divers :
sujets religieux, quantitativement une part très importante de son œuvre. Ils comprennent des sujets de l’Histoire Sainte, des Passions, des scènes du Nouveau Testament, des miracles divers, Les Images de tous les Saints et Saintes, etc.
œuvres historiques, portraits, scènes de guerre : les sièges, les portraits de Cosme II, de Louis XIII, Principaux Faits du règne du grand-duc Ferdinand Ier de Médicis, Les (petites et grandes) Misères de la guerre, des combats de galères florentines, des œuvres de circonstances (funérailles, généalogies…), etc.
fêtes et foires : Foire de l’Impruneta, Foire de Gondreville, les fêtes à Florence…
séries de personnages pittoresques : Les Balli, Les Gobbi, Les Gueux, Les Bohémiens…
paysages : Les deux Grandes Vues de Paris, la Petite Vue de Paris (Marché d’esclaves), Les Quatre Paysages, Les Saisons, Les Mois …
divers : Les Supplices, Les Caprices…
Par ailleurs, il a exécuté plus de très nombreux dessins tout au long de sa vie, dont un grand nombre nous reste encore aujourd’hui : la Galerie des Offices à Florence en conserve par exemple 330 et le Louvre, 170. On ne connaît aucune peinture de Callot.
Il apporta à la technique de l’eau-forte trois innovations essentielles pour les aquafortistes (utilisation du vernis dur, de l’échoppe, et des morsures multiples), qui furent largement diffusées en France et à l’étranger par les écrits d’Abraham Bosse.
Jacques Callot utilisera le vernis dur, emprunté aux luthiers de Florence et de Venise, à la place du vernis mol connu jusqu’alors. Cette innovation fut essentielle : elle permit en effet aux aquafortistes de s’investir désormais sans crainte dans leur dessin. Félibien rapporte les multiples avantages que Jacques Callot trouvait en effet à ce vernis : il séchait et durcissait promptement, on était mieux assuré de ne pas le gâter, lorsqu’en travaillant, on venait à poser la main dessus, et enfin, il n’était pas nécessaire de tremper tout de suite la plaque dans l’eau-forte comme avec le vernis mol, et il devenait même possible d’attendre six mois ou un an s’il le fallait.
Jacques Callot utilisa l’échoppe couchée (au lieu de la pointe), un instrument qu’il emprunta aux orfèvres, dans le souci de pouvoir réaliser un trait plus dynamique, créant des effets « de pleins et de déliés » grâce au profil triangulaire de cet instrument. Il est clair que l’échoppe, et ses possibilités d’accentuer plus ou moins le trait, et de renforcer ainsi les ombres, était complémentaire de la « taille unique », puisque celle-ci abandonnait les hachures utilisées jusqu’alors pour le rendu des zones sombres.
La technique des « morsures successives » consiste à plonger la plaque de cuivre dans des bains d’acide successifs pour obtenir une morsure plus ou moins profonde du trait, et donc une profondeur différente de l’encrage. Ceci donne en particulier une forte sensation de profondeur de champ à l’image, dans laquelle les premiers plans feront appel à des tailles très fortement mordues. Les lointains, eux, feront appel à des traits fins et déliés, parfois à peine visibles, car ils auront été recouverts d’une couche protectrice après le passage dans le premier bain. Cette technique des bains successifs, que Callot utilisa, avec un fort impact visuel, plus qu’aucun autre aquafortiste avant lui, sera reprise par Rembrandt, avec d’ailleurs d’autres objectifs stylistiques.
Pour conserver la lisibilité de ses eaux-fortes, Callot recourut à ce qu’il appelait la taille simple, ou la taille unique, par l’utilisation de traits parallèles, et non plus entrecroisés, ce qui donne plus de force à ses eaux-fortes, et de netteté au trait.
Callot préféra très vite l’eau-forte au burin, d’une exécution trop lente pour son tempérament impatient. Mais il faut surtout y voir l’amour de Callot pour la caricature, ou plutôt, son sens de la vie et du mouvement, plus aisés à transcrire à l’eau-forte qu’au burin : quand on compare en effet une œuvre de Callot à un beau burin classique, on est frappé par le style plus conventionnel de la gravure au burin, et au contraire, par la vie qui anime, jusque dans ses plus petits détails, les eaux-fortes de Callot. La gravure Les apprêts du festin, dernière planche de la série Les Bohémiens, une eau-forte d’à peine 24 x 12 cm, en donne un exemple.
C’est ce sens inné de la « photographie instantanée » du monde qui l’entoure qui est l’une des caractéristiques de Callot. C’est lui également qui contribue à en faire le « miroir de son temps », y compris, le moment venu, lors qu’il sera appliqué à des sujets autrement plus graves, tels que ceux inspirant Les misères de la guerre.
Ici vous pouvez voir les œuvres de l'artiste qui font partie de la collection.