Joan Miró (Joan Miró i Ferrà en catalan, 20 avril 1893, Barcelone—25 décembre 1983, Palma de Majorque — Espagne) est un peintre, sculpteur, graveur et céramiste. De nationalité espagnole, Joan Miró se définit comme catalan international. C’est l’un des principaux représentants du mouvement surréaliste.
Son œuvre reflète son attrait pour le subconscient, pour « l’esprit enfantin », et pour son pays. À ses débuts, il montre de fortes influences fauvistes, cubistes et expressionnistes, avant d’évoluer vers une peinture plane avec un certain côté naïf. Le tableau intitulé La Ferme, peint en 1920, est l’une des toiles les plus connues de cette époque.
À partir de son départ pour Paris, son œuvre devient plus onirique, ce qui correspond aux grandes lignes du mouvement surréaliste auquel il adhère. Dans de nombreux entretiens et écrits des années 1930, Miró manifeste son désir d’abandonner les méthodes conventionnelles de la peinture, pour — selon ses propres mots — « les tuer, les assassiner ou les violer », favorisant ainsi une forme d’expression contemporaine. Il ne veut se plier à aucune exigence, ni à celles de l’esthétique et de ces méthodes, ni à celles du surréalisme.
En son honneur a été fondée à Barcelone la « Fondation Miró », en 1975. C’est un centre culturel et artistique dévolu à la présentation des nouvelles tendances de l’art contemporain. Elle est initialement alimentée par un important fond offert par le maître. D’autres lieux possèdent d’importantes collections d’œuvres de Miró, comme la Fondation Pilar et Joan Miró de Palma de Majorque, le Musée national d’art moderne de Paris, le musée d’art moderne de Lille et le Museum of Modern Art de New York.
Joan commence à dessiner dès l’âge de huit ans. Miró respecte le vœu de son père et commence par étudier le commerce à partir de 1907 pour avoir une bonne formation et réussir à être « quelqu’un dans la vie ». Cependant, il abandonne ces études pour s’inscrire, la même année, à l’École des Beaux-arts de La Llotja. Joan y suit des cours du soir, notamment ceux de Modest Urgell et de Josep Pascó. Les dessins de 1907 conservés à la Fondation Miró sont empreints de l’influence du premier. D’autres dessins du maître exécutés peu avant sa mort portent la mention « en souvenir de Modest Urgell » et résument la profonde affection de Miró envers son professeur. Il reste également des dessins de l’époque où Miró reçoit les cours de Josep Pascó, professeur d’arts décoratifs de l’époque moderniste. On y trouve par exemple les dessins d’un paon et d’un serpent. Miró apprend de ce professeur la simplicité de l’expression et les tendances artistiques à la mode.
À dix-sept ans, Miró travaille durant deux ans comme commis dans un magasin de denrées coloniales, jusqu’à ce qu’en 1911 il contracte le typhus et soit obligé de se retirer dans une ferme de famille, à Mont-roig del Camp, dans les environs de Tarragone. Il y prend conscience de son attachement à la terre catalane.
Il rentre ensuite, en 1911, à l’École d’Art tenue par l’architecte baroque Francisco Gali, à Barcelone, avec la ferme résolution d’être peintre. Malgré des réticences, son père appuie sa vocation. Il y demeure trois ans durant puis fréquente l’Académie libre du Cercle Saint-Luc, y dessinant d’après modèles nus jusqu’en 1918. En 1912, il intègre donc l’académie d’art dirigée par Francesc d’Assís Galí i Fabra, et y découvre les dernières tendances artistiques européennes. Il assiste à ses cours jusqu’à la fermeture du centre en 1915. En parallèle, Miró suit les enseignements du Cercle artistique de Saint-Luc où il apprend le dessin d’après nature. Il y rencontre Josep Francesc Ràfols, Sebastià Gasch, Enric Cristòfol Ricart et Josep Llorens i Artigas avec qui il constitue le groupe artistique intitulé ”Groupe Courbet “. Miró découvre la peinture moderne à la galerie Dalmau de Barcelone, qui expose depuis 1912 des peintures impressionnistes, fauvistes et cubistes. En 1915, il décide de s’installer dans un atelier, qu’il partage avec son ami Ricart. Il fait la rencontre de Picabia deux ans plus tard.
Les galeries Dalmau de Barcelone accueillent la première exposition de Joan Miró du 16 février au 3 mars 1918. Le peintre catalan est exposé parmi d’autres artistes d’influences diverses. L’exposition regroupe soixante-quatorze œuvres, paysages, natures mortes et portraits. Ses premières peintures dénotent une influence claire de la tendance postimpressionniste française, du fauvisme et du cubisme. Les toiles de 1917 Ciurana, le village et Ciurana, l’église montrent une proximité avec les couleurs de Van Gogh et les paysages de Cézanne, le tout renforcé par une palette sombre.
L’une des toiles de cette époque qui attire le plus l’attention est Nord-Sud, du nom d’une revue française de 1917 dans laquelle Pierre Reverdy écrit à propos du cubisme. Dans cette œuvre, Miró mêle des traits de Cézanne avec des symboles peints à la façon des cubistes Juan Gris et Pablo Picasso. La toile Portrait de V. Nubiola annonce la fusion du cubisme avec d’agressives couleurs fauves. Durant ce même printemps 1917, Miró expose au Cercle artistique de Saint-Luc avec les membres du « Groupe Courbet ».
Miró continue pendant des années à passer ses étés à Mont-roig, comme il en avait l’habitude. Il abandonne là-bas les couleurs et les formes dures utilisées jusqu’alors pour les remplacer par d’autres plus subtiles. Il explique cette démarche dans une lettre du 16 juillet 1918 à son ami Ricart : « Pas de simplifications ni d’abstractions. En ce moment je ne m’intéresse qu’à la calligraphie d’un arbre ou d’un toit, feuille par feuille, branche par branche, herbe par herbe, tuile par tuile. Ceci ne veut pas dire que ces paysages deviendront cubistes ou rageusement synthétiques. Après, on verra. Ce que je me propose de faire est de travailler longtemps sur les toiles et de les achever autant que possible. À la fin de la saison et après avoir tant travaillé, peu importe si j’ai peu de toiles. L’hiver prochain, messieurs les critiques continueront à dire que je persiste dans ma désorientation. »
Dans les paysages peints à cette époque Miró use d’un vocabulaire nouveau fait d’iconographie et de symboles méticuleusement sélectionnés et organisés. Par exemple, dans les Vignes et oliviers de Mont-roig, les racines qui sont dessinées sous la terre et qui sont complètement individualisées représentent une connexion physique avec la terre.
Miró entreprend en 1919 son premier voyage à Paris. Ce n’est alors qu’un simple voyage mais le peintre se fixe durablement dans la capitale française au début des années 1920. Après avoir logé quelques temps à l’hôtel Namur, rue Delambre, puis dans un meublé de la rue Berthollet, le sculpteur Pablo Gargallo l’aide à trouver un atelier au 45, rue Blomet, où il peut déposer ses tableaux. En 1922, Jean Dubuffet lui laisse son appartement rue Gay-Lussac. Au 45 rue Blomet, Miró rencontre des peintres et des écrivains qui deviennent ses amis : André Masson, Max Jacob, Antonin Artaud. L’atelier devient un creuset effervescent où s’élaborent un nouveau langage et une nouvelle sensibilité. Miró y retrouve Michel Leiris et Armand Salacrou. L’atelier est situé à quelques centaines de mètres de la rue du Château où habitent Yves Tanguy, Marcel Duhamel et Jacques Prévert. Les deux groupes se rencontrent souvent et nouent des amitiés chaleureuses. La plupart d’entre eux rejoindront le surréalisme. « La rue Blomet, c’est un lieu, un moment décisif pour moi. J’y ai découvert tout ce que je suis, tout ce que je deviendrai. C’était le trait d’union entre le Montmartre des surréalistes, et les « attardés » de la rive gauche. »
Miró ne retourne en Espagne que durant les périodes estivales. Il rencontre des membres du mouvement « Dada » et retrouve Picasso qu’il avait connu à Barcelone. Il se lie d’amitié avec les poètes Pierre Reverdy, Max Jacob et Tristan Tzara. En 1921 a lieu sa première exposition parisienne à la galerie La Licorne, préfacée par Maurice Raynal. Avec cette exposition s’achève sa période dite « réaliste ».
De 1921 à 1922, Miró travaille sur La Ferme qui est l’œuvre principale de cette époque dite « détailliste ». Commencée à Mont-roig, achevée à Paris, ce tableau contient en germe toutes les possibilités que le peintre reprend par la suite en les infléchissant vers le fantastique. C’est une œuvre de base, une œuvre clé, synthèse de toute une période. La relation mythique maintenue par le maître avec la terre est résumée par cette toile qui représente la ferme de sa famille de Mont-roig. Il sépare le graphisme au caractère ingénu et réaliste des objets, les animaux domestiques, les plantes avec lesquelles l’être humain travaille, et les objets quotidiens de l’homme. Tout est étudié dans le moindre détail dans ce qu’on appelle la « calligraphie miróniène » et qui est le point de départ du surréalisme de Miró dans les années suivantes. Les dernières œuvres de sa période « réaliste » sont terminée dès 1923 : La Fermière, Fleurs et papillon, La Lampe à Carbure, l’Épi de blé, Grill et lampe à carbure.
Une fois La Ferme achevée, l’auteur décide de la vendre pour des motifs économiques. Léonce Rosenberg, qui s’occupe des toiles de Pablo Picasso, accepte de la prendre en dépôt. Après quelques temps, et devant l’insistance de Miró, le galeriste propose au peintre de partager l’œuvre en toiles plus petites pour faciliter sa commercialisation. Miró furieux récupère la peinture à son atelier avant de la confier à Jacques Viot de la galerie Pierre. Celui-ci la vend à l’écrivain américain Ernest Hemingway pour 5 000 francs.
À Paris, en 1924, l’artiste rencontre des poètes surréalistes, dont Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, Philippe Soupault, animateurs de la revue Littérature, et créateurs, en 1924, du surréalisme. Miró est cordialement introduit dans le groupe. Breton définit le surréalisme par rapport à la peinture comme “ une vacance totale, une crise absolue du modèle. Le modèle ancien, pris dans le monde extérieur n’est plus et ne peut plus être. Celui qui va lui succéder, pris dans le monde intérieur, n’est pas encore découvert”.
À cette époque Miró vit une crise personnelle. La réalité extérieure ne l’inspire plus. Il doit maintenant lutter contre le réalisme, la tradition, la convention, l’académisme et le cubisme et se frayer un chemin personnel au delà de Duchamp et de Picabia pour inventer un langage nouveau. La présence d’amis sûrs et engagés dans la même aventure que lui hâte la rupture décisive qu’il est en train de provoquer. Miró signe à leurs côtés le manifeste du surréalisme. André Breton affirme ainsi que Miró est « le plus surréaliste d’entre nous ».
Durant cette période, le maître abandonne son style détailliste. Il travaille à la synthèse des éléments magiques déjà présents dans ses travaux antérieurs. Pendant l’été 1924, il affine sa schématisation des formes, avec notamment le Paysage catalan (également titré : le Chasseur) où sa peinture devient de plus en plus géométrique. On y retrouve des formes simples : le disque, le cône, l’équerre et le triangle. Il réduit l’objet à une ligne qui peut être droite, courbe ou pointillée. Son « lyrisme spontané de la ligne vivante, avec une progressive intrusion dans le merveilleux », aboutit ainsi à l’idéogramme dans un espace irréaliste et à ces « tableaux à déchiffrer » à partir desquels Miró aborde la série « que par commodité nous appellerons les fonds gris », et dont la Pastorale, la Lampe espagnole, Portrait de Mademoiselle K , la Famille, et la Danseuse espagnole, font partie. »
Pour André Breton, Miró constitue une recrue de choix pour le mouvement surréaliste: « L’entrée tumultueuse de Miró en 1924 marque une date importante de l’art surréaliste. Miró (…) franchit d’un bond les derniers barrages qui pouvaient encore faire obstacle à la totale spontanéité de l’expression. À partir de là, sa production atteste d’une liberté qui n’a pas été dépassée. On peut avancer que son influence sur Picasso, qui rallie le surréalisme deux ans plus tard, a été en grande partie déterminante. »
Miró trouve dans l’inconscient et dans l’onirisme — matériaux offerts par les techniques surréalistes — l’inspiration de ses futures œuvres. Ces tendances apparaissent dans Le champ de Llaurat notamment. C’est une allusion à La Ferme dans laquelle sont ajoutés des éléments surréalistes tels qu’un œil et une oreille à côté d’un arbre. À la même époque, on note le synthétisme de la description du personnage de la toile Tête fumante.
Du 12 au 27 juin 1925 a lieu une exposition à la galerie Pierre où Miró présente 16 peintures et 15 dessins. Tous les représentants du groupe surréaliste signent une invitation à l’exposition. Benjamin Péret préface son exposition personnelle, à la galerie Pierre Loeb de Paris. D’autres peintres surréalistes y exposent parmi lesquels Paul Klee, dont les toiles impressionnent Miró. Fait rare à cette époque, l’inauguration a lieu à minuit, pendant qu’à l’extérieur, un orchestre invité par Picasso joue une sardane. Des files d’attente se forment à l’entrée. Les ventes et les critiques sont très favorables à Miró.
En 1926, Joan Miró collabore avec Max Ernst pour la pièce Roméo et Juliette de Serge de Diaghilev par les Ballets russes. La première a lieu le 4 mai 1926 à Monte-Carlo et est jouée le 18 mai au théâtre Sarah Bernhardt de Paris. La rumeur court que la pièce altère les pensées des surréalistes et des communistes. Un mouvement se développe pour le boycott du « bourgeois » Diaghilev et des « traîtres » Ernst et Miró. La première représentation se fait sous les sifflets et sous une pluie de feuilles rouges ; Louis Aragon et André Breton signent un texte de protestation contre la pièce. Cependant, les faits s’arrêtent là, et peu après la revue La Révolution Surréaliste éditée par Breton continue à publier les œuvres des artistes. Dès cette année, Miró fait partie des artistes montrés en permanence à la Galerie Surréaliste.
Une des plus intéressantes peintures de cette période est sans doute le Carnaval d’Arlequin (1925). C’est une toile totalement surréaliste qui obtient un grand succès à l’exposition collective « Peinture surréaliste » de la galerie Pierre (Paris). Elle est exposée à côté d’œuvres de Giorgio de Chirico, Paul Klee, Man Ray, Pablo Picasso et Max Ernst.
Cette peinture est considérée comme étant l’apogée de la période surréaliste de Joan Miró. Réalisée de 1924 à 1925, le maître l’exécute à une époque de sa vie économiquement difficile où il souffre, entre autres, de pénurie alimentaire et à laquelle le thème de l’œuvre est lié : « J’ai essayé de traduire les hallucinations que la faim produisait. Je ne peignais pas ce que je voyais en rêve, comme diraient aujourd’hui Breton et les siens, mais ce que la faim produisait : une forme de transe ressemblant à ce que ressentent les orientaux »
Les personnages principaux de la composition picturale sont un automate qui joue de la guitare et un arlequin avec de grandes moustaches. On note également de nombreux détails d’imagination répartis sur toute la toile : un oiseau aux ailes bleues sorties d’un œuf, un couple de chats jouant avec une pelote de laine, un poisson volant, un insecte qui sort d’un dé, une échelle avec une grande oreille, et, sur la partie supérieure droite, on voit au travers d’une fenêtre une forme conique supposée représenter la tour Eiffel.
En 1938, Miró écrit un petit texte poétique sur cette toile : « Les écheveaux de fils défaits par les chats vêtus en arlequin s’enroulent et en poignardant mes entrailles… ».
Miró réalise pour la première fois en 1927 une illustration pour le livre Gertrudis, du poète Josep Vicenç Foix. Il déménage dans un studio plus grand, rue Tourlaque où il y retrouve certains de ses amis, tels Max Ernst et Paul Éluard, et rencontre Pierre Bonnard, René Magritte et Jean Arp. Il s’initie au jeu du « cadavre exquis » surréaliste. En 1928, Miró se rend en Belgique et en Hollande où il visite les principaux musées de ces pays. Il est impressionné par Vermeer et les peintres du XVIIIe siècle. L’artiste achète des cartes postales colorées de ces toiles. Lors de son retour à Paris, Miró travaille sur une série connue sous le nom d’Intérieurs hollandais. Il réalise de nombreux dessins et ébauches avant de peindre son Intérieur hollandais I, inspirée du Joueur de luth d’Hendrick Martensz Sorgh, puis Intérieur hollandais II d’après Jan Havicksz Steen. Dans cette série Miró abandonne la peinture de ses rêves surréalistes. Il utilise des espaces vides aux graphismes soignés et renoue avec la perspective et les formes analysées.
La série des Portraits imaginaires peinte entre 1928 et 1929 est très similaire aux Intérieurs hollandais. L’artiste prend également pour point de départ des peintures déjà existantes. Ses toiles Portrait de madame Mills en 1750, Portrait de femme en 1820, La Fornarina sont clairement inspirées des toiles homonymes de George Engleheart, John Constable et Raphaël respectivement.
La quatrième toile de la série provient d’une publicité pour un moteur Diesel. Miró réalise une métamorphose de la réclame qu’il termine en figure féminine nommée La Reine Louise de Prusse. Il se sert dans ce cas de la toile non pour réinterpréter une œuvre existante, mais comme point de départ d’une analyse des formes pures qui s’achève avec les personnages miróniens. Peu après, en 1929, Miró présente le jeune Salvador Dali au groupe des surréalistes.
De 1928 à 1930, les dissensions dans le groupe des surréalistes se font chaque fois plus évidentes, non seulement du point de vue artistique, mais également du point de vue politique. Miró prend peu à peu ses distances avec le mouvement. Bien qu’il en accepte les principes esthétiques, il s’éloigne des manifestations et évènements. À ce titre, une réunion du groupe surréaliste au Bar du château le 11 mars 1929 est particulièrement notable. Alors qu’à cette date Breton est déjà adhérent au parti communiste, la discussion s’ouvre autour du destin de Léon Trotsky mais évolue rapidement et oblige chacun des participants à clarifier ses positions. Certains s’opposent à une action commune fondée sur un programme de Breton. Parmi eux on compte Miró, Michel Leiris, Georges Bataille et André Masson. Entre la position de Karl Marx d’un côté, qui propose de « transformer le monde » par la politique, et d’un autre côté celle de Rimbaud qui est de « changer de vie » par la poésie, Miró choisit la seconde. Il veut lutter avec la peinture.
En réponse aux critiques d’André Breton assurant qu’après la Fornarina et Portrait d’une dame en 1820, le peintre est « ce voyageur tellement pressé qu’il ne sait pas où il va », Miró déclare vouloir « assassiner la peinture ». La formule est publiée sous la signature de Tériade qui l’a recueillie au cours d’un entretien avec Miró pour le journal L’Intransigeant du 7 avril 1930, dans une chronique violemment hostile au surréalisme.
Après une exposition personnelle aux États-Unis, il dévoile ses premiers collages préfacés par Aragon, à la galerie Pierre de Paris. Il s’initie aussi à la lithographie.
Dès lors, Miró dessine et travaille intensément sur une nouvelle technique, le collage. Il ne la travaille pas comme l’ont fait les cubistes en coupant le papier délicatement et en le fixant à un support. Les formes de Miró sont sans précision, il laisse déborder les morceaux du support et les unit entre eux par des graphismes. Cette recherche n’est pas inutile et lui ouvre les portes des sculptures sur lesquelles il travaille à partir de 1930.
Cette année-là, il expose à la galerie Pierre des sculptures-objets et réalise bientôt sa première exposition individuelle à New York, avec des peintures des années 1926-1929. Il travaille à ses premières lithographies pour le livre L’Arbre des voyageurs de Tristan Tzara. Pendant l’été 1930 il commence une série nommée Constructions, suite logique de celle des Collages. Les compositions sont faites à partir de formes élémentaires, cercles et carrés de bois posés sur un support — généralement de bois —, ainsi que de collage de clefs qui renforcent les lignes du cadre. Ces pièces sont d’abord exposées à Paris.
Après avoir vu cette série, la chorégraphe Leonide Massine demande à Miró de réaliser la décoration, les vêtements et divers objets pour son ballet Jeux d’enfants. Le peintre accepte et part à Monte-Carlo au début de l’année 1932. Les décors sont faits à partir de volumes et de divers objets dotés de mouvement. La première a lieu le 14 avril 1932 et rencontre un grand succès. La pièce est ensuite jouée à Paris, à New York, à Londres et à Barcelone. Cette année 1931, il dévoile, toujours à la galerie Pierre, ses premières « Sculptures-objets ».
En 1932, avec le groupe surréaliste, il participe au Salon des Surindépendants. Il réalise également une exposition à New York, à la galerie Pierre Matisse, avec laquelle il reste très lié. À la fin du contrat avec son marchand d’art Pierre Loeb, en janvier 1932, Miró retourne avec sa famille à Barcelone, tout en continuant de faire des voyages fréquents à Paris et de fréquents séjours à Majorque et à Mont-roig del Camp. Il prend part à l’Associació d’amics de l’Art Nou (« Association d’amis de l’Art Nouveau ») avec des personnes telles que Joan Prats, Joaquim Gomis et l’architecte Josep Lluís Sert. L’association a pour objectif de faire connaître les nouvelles tendances artistiques internationales et de promouvoir l’avant-gardisme catalan. Elle réalise de nombreuses expositions à Barcelone, Paris, Londres, New York et Berlin, dont profite naturellement le maître. En 1933, des peintures d’après collages sont l’objet d’une importante exposition à Paris.
Miró continue ses recherches et crée les Dix-huit peintures selon un collage à partir d’images extraites de publicités de revues. Il en fait plus tard le commentaire suivant : « J’étais habitué à couper dans des journaux des formes irrégulières et à les coller sur des feuilles de papier. Jour après jour j’ai accumulé ces formes. Une fois fait, les collages me servent comme point de départ pour des peintures. Je ne copiais pas les collages. Simplement je les laissais me suggérer des formes »
L’artiste crée de nouveaux personnages qui portent une expression dramatique dans une parfaite symbiose entre les signes et les visages. Les fonds sont généralement sombres, peints sur papier épais, comme on peut le voir sur la toile Homme et femme face à une montagne d’excréments (1935), Femme et chien face à la lune (1936). Ces toiles reflètent probablement les sentiments de l’artiste peu avant la guerre civile espagnole et la Seconde Guerre mondiale. En 1936, le peintre se trouve à Mont-roig del Camp lorsque éclate la guerre civile. Il se rend à Paris en novembre pour une exposition. Les évènements en Espagne le dissuadent de rentrer pendant toute la période 1936-1940. Il soutient l’Espagne républicaine sans aucune réserve.
Au mois de novembre 1936, Miró se rend à Paris pour une exposition qui y est programmée. Avec le drame de la guerre d’Espagne, il ressent la nécessité de peindre de nouveau « d’après nature ». Dans sa toile Nature morte au vieux soulier il y a mise en relation entre la chaussure et le reste d’un repas sur une table, le verre, la fourchette et un morceau de pain. Le traitement des couleurs participe à un effet de la plus grande agressivité avec des tons acides et violents. Sur cette toile, la peinture n’est pas plane comme sur des œuvres antérieures, mais en relief. Elle donne une profondeur aux formes des objets. Cette toile est considérée comme une pièce clef de cette période réaliste. Miró indique avoir réalisé cette composition en pensant aux Chaussures de paysan de Van Gogh, peintre qu’il admire.
Après avoir réalisé l’affiche Aidez l’Espagne pour l’édition d’un timbre postal destiné à aider le gouvernement républicain espagnol, Miró se charge de peindre des œuvres de grandes dimensions pour le pavillon de la république espagnole à l’exposition internationale de Paris de 1937 qui est inaugurée au mois de juillet. Miró sculpte El Segador, un paysan catalan représenté avec une faux au poing, symbole d’un peuple en lutte clairement inspiré du chant national catalan Els segadors. L’œuvre disparaît à la fin de l’exposition lorsque le pavillon est démonté. Il n’en reste que des photographies en noir et blanc. À cette époque, Balthus peint un portrait de Miró accompagné de sa fille Dolorès.
En 1939, il séjourne à Varengeville où il y retrouve Raymond Queneau, Braque et Calder. Lorsque l’Allemagne nazie envahit la France, il rallie l’Espagne, et s’y installe, d’abord à Mont-roig, puis à Palma de Majorque et enfin à Barcelone de 1942 à 1944. En 1941 sa première exposition rétrospective lui est consacrée à New York, au musée d’art moderne.
C’est à Majorque, à partir de 1942, que Miró construit son style définitif par évolutions successives. Sa nouvelle prise de contact avec l’Espagne, et particulièrement avec Majorque est sans doute décisive. Là, il renoue avec une culture dont il admire les siurells (petites sculptures naïves de Majorque) et est étonné par les audaces gothiques de Gaudí qui a restauré la cathédrale fortifiée en 1902. Il vit avec plaisir dans une profonde solitude, allant souvent se recueillir à la cathédrale pour écouter de la musique. Il s’isole, lit beaucoup, médite.
En 1943, il regagne Barcelone avec sa famille ; sa production abondante se limite alors à des travaux sur papier, à des recherches sans idées préconçues, utilisant toutes les techniques. C’est un véritable « laboratoire » dans lequel l’artiste se livre avec frénésie à des recherches autour d’un unique thème : « La Femme Oiseau Étoile » qui est le titre d’un grand nombre de ses œuvres. À cette époque, il crée des figures, des signes et des associations utilisant pastel, crayon, encre de chine et aquarelle pour réaliser des figures humaines ou animales dont il trouve très vite les formes simplifiées.
Fin 1943, le galeriste Joan Prats lui passe commande d’une série de cinquante lithographies réunies sous le titre Barcelona. « La lithographie en noir et blanc lui apporte l’exutoire dont il avait besoin pour exprimer des émotions violentes (…). La série Barcelona révèle une rage analogue à celle provoquée par la détérioration de la situation internationale » explique Penrose. Cette libération l’incite à reprendre la peinture sur toile, après une interruption de quatre ans. Les toiles sont déroutantes par leur simplicité, leur spontanéité et leur désinvolture. Dans ce même esprit, Miró peint sur des morceaux de toiles irréguliers « comme si l’absence de chevalet le délivrait d’une contrainte ». Il invente ainsi une langue nouvelle qui débouche en 1945 sur la série des grandes toiles parmi les plus connues et les plus souvent reproduites, presque toutes sur fond clair (Femme dans la nuit, Au lever du soleil) à l’exception de deux fonds noirs : Femme écoutant la musique et Danseuse écoutant jouer de l’orgue dans une cathédrale gothique (1945). L’artiste est alors à la recherche d’un « mouvement immobile ».
Le souci de représentation et de signification logique est étranger à Miró. C’est ainsi qu’il explique La Course de taureau : la corrida n’y est qu’un prétexte à la peinture, et le tableau est plus illustratif que véritablement révélateur. Le taureau, très librement interprété, occupe toute la toile, ce que Michel Leiris lui reprochera amicalement. C’est en 1946 que Jean Cassou, conservateur du Musée National d’Art moderne de Paris, lui achète cette toile au moment où aucun musée français ne possède encore d’œuvre majeure de l’artiste.
À partir de 1945, Miró développe trois nouvelles approches de son art : la gravure, la céramique et le modelage et la sculpture. Il commence cette année là une collaboration avec son ami d’adolescence Josep Llorens i Artigas pour la production de céramiques. Il mène des recherches sur la composition des pâtes, des terres, des émaux et des couleurs. Les formes des céramiques populaires sont pour lui une source d’inspiration. Il y a peu de différence entre ces premières céramiques et les peintures et lithographies de la même époque.
En 1946, il travaille sur des sculptures destinées à être coulées dans du bronze. Certaines doivent être peintes de couleurs vives. Dans ce domaine, Miró est intéressé par la recherche des volumes et des espaces. Il cherche également à incorporer des objets du quotidien, ou simplement des objets trouvés : pierres, racines, couverts, tricornes, clefs. Il fond sur ces compositions de la cire perdue de telle manière que le sens des objets identifiables se perde par l’association avec les autres éléments.
En 1947, l’artiste se rend durant huit mois à New York où il travaille un certain temps à l’atelier 17, dirigé par Hayter. Durant ces quelques mois à New York, travaille les techniques de gravures et de lithographies. Il s’initie également à la chalcographie et produit les planches pour Le Désespéranto, l’un des trois volumes de l’ouvrage L’antitête de Tristan Tzara. L’année suivante, il collabore à un nouveau livre du même auteur, Parler seul, et réalise 72 lithographies de couleur.
À partir de ces travaux, Miró participe avec certains de ses amis poètes à plusieurs publications. C’est notamment le cas pour les ouvrages de Breton Anthologie de l’humour noir (1950) et La clé des champs (1953) ; pour René Char Fête des arbres et du chasseur et À la santé du serpent ; pour Michel Leiris a Bagatelles végétales (1956) ; et pour Paul Éluard, À toute épreuve qui contient quatre-vingts gravures sur bois de buis. La réalisation de ces gravures dure de 1947 à 1958.
De 1939 à 1941, Miró demeure à Varengeville-sur-Mer. Le ciel du village l’inspire, et il commence à peindre une série de 23 petites toiles dont le titre générique est Constellations. Elles sont réalisées sur un support de papier de 38 × 46 cm que l’artiste imbibe d’essence et frotte jusqu’à obtenir une texture rugueuse. Il ajoute alors la couleur en conservant une certaine transparence pour obtenir l’aspect final désiré. Sur cette couleur de fond, Miró dessine avec des couleurs très pures pour créer le contraste. L’iconographie des Constellations veut représenter l’ordre cosmique : les étoiles font référence au monde céleste, les personnages symbolisent la terre et les oiseaux sont l’union des deux. Ces peintures intègrent parfaitement les motifs et le fond.
En 1947 il se rend aux États-Unis pour la première fois. Il y exécute une première peinture murale, qui sera suivi d’autres tout au long de sa carrière. La même année la galerie Maeght organise à Paris les expositions importantes de ses œuvres et, en 1954, il reçoit le Prix de la Gravure à la Biennale de Venise, aux côtés de Max Ernst et de Jean Arp.
Plus tard, en 1958, Miró publie un livre également nommé Constellations. Cette édition tirée à peu d’exemplaires contient la reproduction de deux poèmes : Vingt-deux eaux de Miró et de Vingt-deux proses parallèles d’André Breton.
À partir de 1960, l’artiste entre dans une nouvelle étape de sa vie artistique qui reflète son aisance dans le graphisme. Il dessine avec une spontanéité proche du style enfantin. Les traits épais sont faits avec de la couleur noire, et ses toiles sont pleines de peintures et d’esquisses qui rappellent toujours les mêmes thèmes : la terre, le ciel, les oiseaux et la femme. Il utilise en général des couleurs primaires. La même année, la Fondation Guggenheim de New York lui décerne son Grand Prix.
Si de 1955 à 1959 Miró se consacre entièrement à la céramique, en 1960, il recommence à peindre. La série sur fond blanc et le triptyque Bleu I, puis Bleu II et Bleu III datent de 1961. Ces toiles presque entièrement bleu monochrome rappellent par certains aspects les peintures d’Yves Klein. Après avoir réalisé un fond bleu, Miró contrôle l’espace de couleur avec des signes minimalistes : lignes, points et coups de pinceau de couleurs appliqués avec la prudence « du geste d’un archer japonais » pour reprendre les mots de l’artiste. Ces tableaux ressemblent à ceux de 1925, lorsqu’il peint la série de monochromes Danseuses I et II. Il résume son attitude par la phrase suivante : « Il est important pour moi d’arriver à un maximum d’intensité avec un minimum de moyens. D’où l’importance grandissante du vide dans mes tableaux »
Durant son séjour à New York, il réalise un mur de peinture de 3 × 10 mètres destiné au restaurant de l’hôtel Cincinnati Terrace Hilton, puis illustre le livre L’antitête de Tristan Tzara. Plus tard, de retour à Barcelone, il reçoit l’aide du fils de Josep Llorens, Joan Llorenç. Miró passe ses étés dans le mas-atelier de la famille Llorens à Gallifa. Les deux compagnons font tous types d’essais de cuisson et de fabrication d’émaux. Le résultat est une collection de 232 œuvres qui sont exposées en juin 1956 à la galerie Maeght de Paris puis à la galerie Pierre Matisse de New York.
Miró déménage durant l’année 1956 à Mallorca où il dispose d’un grand atelier conçu par son ami Josep Lluís Sert. C’est à cette époque qu’il reçoit la commande de deux murs de céramiques pour le siège de l’UNESCO à Paris. Ceux-ci mesurent respectivement 3 × 15 mètres et 3 × 7,5 mètres et sont inaugurés en 1958. Bien que Miró ait déjà travaillé avec de grands formats, il ne l’avait jamais fait en utilisant des céramiques. Au côté du céramiste Josep Llorens, il développe au maximum les techniques de cuisson pour réaliser un fond dont les couleurs et textures ressemblent à ses peintures de la même époque. La composition doit avoir pour thème le soleil et la lune. Selon les paroles de Miró : « (…) l’idée d’un grand disque rouge intense s’impose pour le mur le plus grand. Sa réplique sur le mur plus petit serait un quart de croissant bleu, imposé par l’espace plus petit, plus intime, pour lequel il est prévu. Ces deux formes que je voulais très colorées, il fallait les renforcer par un travail en relief. Certains éléments de la construction, comme maintenant la forme des fenêtres, m’ont inspiré des compositions en écailles et les formes des personnages. J’ai cherché une expression brutale sur le grand mur, une suggestion poétique sur le petit »
Pendant cinq ans l’artiste se consacre essentiellement à la céramique, à la gravure, et à la lithographie. À l’exception d’une dizaine de petites peintures sur carton, Miró ne produit aucun tableau. Son travail est perturbé par son déménagement et son installation à Palma de Majorque. C’est un changement qu’il appelle de ses vœux et qui est réalisé avec l’aide de l’architecte Josep Lluís Sert qui conçoit pour lui un vaste atelier. À la fois satisfait et désorienté par l’ampleur du bâtiment, le peintre s’affaire à animer et à peupler ce grand espace vide. Il se sent obligé d’orienter sa peinture dans une nouvelle direction. Il lui faut retrouver le « sursaut de la fureur iconoclaste de sa jeunesse ».
Son deuxième séjour aux États-Unis est déterminant. La jeune peinture américaine lui ouvre la voie et le libère en lui montrant jusqu’où on pouvait aller. L’abondante production de la fin des années 1950 et des années 1960 montre les affinités de Miró avec la nouvelle génération bien qu’il en soit avant tout un inspirateur : « Miró a toujours été un initiateur, et ce plus que tout autre. Bon nombre des peintres de la nouvelle génération ont volontiers reconnu leurs dettes envers lui, notamment Robert Motherwell et Jackson Pollock».
À l’inverse, le maître catalan n’a pas trouvé indigne d’aller à leur rencontre et même d’emprunter certaines de leurs techniques comme le dripping ou les projections. De cette période sont issues les huiles sur toiles Femme et oiseau (1959, en continuité de la série Femme, oiseau, étoile), Femme et oiseau (1960, peintures VIII à X sur toiles de sac) Le Disque rouge, et Femme assise (1960, toiles IV et V).
1961 marque une étape particulière dans la production du peintre, avec la réalisation de triptyques dont l’un des plus célèbres est le Bleus conservé dans son intégralité au Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou depuis 1993. D’autres Triptyques suivront à partir de 1963. C’est notamment le cas des Peintures pour un temple en vert, rouge et orange puis Peinture sur fond blanc pour la cellule d’un condamné (1968), huiles sur toiles aux mêmes dimensions que les Bleus conservés à la Fondation Miró.
Enfin, en 1974 vient L’Espoir du condamné à mort (Fondation Miró). Ce dernier triptyque a été terminé dans un contexte politique douloureux, au moment de la mort par garrottage du jeune Salvador Puig i Antich que Miró qualifie de nationaliste catalan dans un entretien avec Santiago Amón pour El País Semanal, Madrid, 18 juin 1978. « Épisode angoissant de l’histoire espagnole, l’horreur ressentie par tout un peuple de la mise à mort par le supplice du garrot d’un jeune anarchiste catalan, à l’heure de l’agonie du franquisme, est à l’origine du dernier triptyque aujourd’hui à la Fondation Miró de Barcelone. » Le mot Espoir étant conçu comme une forme de dérision. Il est certain, comme le souligne Jean-Louis Prat, que Miró traverse cette période avec colère : « Quarante ans après ses premières colères devant la bêtise qui parfois ronge le monde, le catalan est encore capable de crier, à travers sa peinture, son dégoût. Et de l’exposer à Barcelone ».
Dès le début des années 1960, Miró participe activement au grand projet d’Aimé et de Marguerite Maeght qui ont établi leur fondation à Saint-Paul-de-Vence. Le couple, inspiré par la visite de l’atelier du peintre à Cala Major, fait appel au même architecte — Josep Lluís Sert — pour la construction du bâtiment et l’aménagement des jardins. Un espace particulier est réservé à Miró. Après une longue méditation, celui-ci se consacre à son Labyrinthe. Il collabore avec Josep et Joan Artigas pour la réalisation des céramiques, et avec Sert pour la conception de l’ensemble. Les œuvres monumentales du labyrinthe ont été créées spécialement pour la fondation. Dans le parcours tracé par Josep Lluís Sert, Miró a d’abord conçu des maquettes qui ont été ensuite réalisées en ciment, en marbre, en fer, en bronze et en céramique. De cet ensemble de sculptures, La Fourche et Le Disque comptent parmi les importantes. La première est réalisée en 1963 (Bronze, 507 x 455 x 9 cm) et la seconde en 1973 (céramique, 310 cm de diamètre).
Dans les années qui suivent le début du Labyrinthe, Miró livre une quantité impressionnante d’œuvres peintes ou sculptées pour la fondation Maeght. La plupart des sculptures sont des bronzes. En 1963, il crée Femme-insecte, Maquette de l’Arc à la Fondation Maeght. En 1967 : Femme, Tête et oiseau, Personnage et oiseau, puis dans les années 1970, Monument, 1970, Constellation et Personnage, 1971, et en 1973 Grand personnage. La fondation reçoit également des céramiques : Femme et Oiseau 1967, Personnage totem, 1968, Céramique murale 1968 ainsi que des marbres tels que l’Oiseau solaire et l’Oiseau lunaire sculptés en 1968.
En 1967, Miró produit La montre du temps, œuvre créée à partir d’une couche de carton et d’une cuillère, fondus en un bronze et unis dans un ensemble qui constitue un objet sculpté mesurant l’intensité du vent.
À la suite de la première grande exposition du maître à Barcelone en 1968, plusieurs personnalités de l’art appuient la création dans la ville d’un centre de référence de l’œuvre de Miró. En accord avec la volonté de l’artiste, la nouvelle institution devrait promouvoir la diffusion de toutes les facettes de l’art contemporain. Alors que le régime franquiste ferme le panorama artistique et culturel de la ville, la Fundació Miró apporte une vision nouvelle. Le bâtiment est construit selon un concept éloigné des notions de musées généralement admises à cette époque, il cherche à promouvoir l’art contemporain plutôt qu’à se dédier à sa conservation. L’ouverture a lieu le 10 juin 1975. Les bâtiments sont Josep Lluís Sert, disciple de Le Corbusier, complice et ami des grands artistes contemporains avec lesquels il a déjà collaboré (Léger, Calder, Picasso). Le fond initial de la fondation 5 000 pièces vient de Miró et de sa famille. « Le peintre n’a pas voulu rester à l’écart de la construction de sa fondation, ni se limiter à des donations (…) Il tenait à participer concrètement, par une œuvre de peintre, au travail collectif des architectes, des maçons, des jardiniers (…) Il choisit pour ce faire le lieu le plus retiré : le plafond de l’auditorium, où sa peinture pourrait donner une racine vivante à l’édifice ». Cette grande peinture de 4,70 x 6 m., exécutée sur panneau d’aggloméré, sera terminée et signée le 11 mai 1975.
Du 9 juin au 27 septembre 1969 Miró expose ses gravures à Genève dans « Œuvres gravées et lithographiées » à la galerie Gérald Cramer. Cette même année a lieu une grande rétrospective de ses œuvres graphiques au Norton Simon Museum (Californie).
Il construit en collaboration avec Josep Llorens la Déesse de la mer, une grande sculpture de céramique qu’ils immergent à Juan-les-Pins. En 1972, Miró expose ses sculptures au Walker Art Center de Minneapolis, au Cleveland Museum of Art et à l’Art Institute of Chicago. À partir de 1965 il produit une grande quantité de sculptures pour la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. Les œuvres les plus notables sont Oiseau de lune, Lézard, Déesse, Fourchette et Femme aux cheveux emmêlés.
En 1974 les Galeries Nationales du Grand Palais à Paris organisent une grande exposition rétrospective pour son 80e anniversaire. En avril 1981, Miró inaugure à Chicago une sculpture monumentale de 12 mètres connue sous le nom de Miss Chicago ; le 6 novembre, deux autres bronzes sont installés dans la ville de Palma de Mallorca. L’année suivante la ville de Houston dévoile Personnage et oiseau.
En 1983, en collaboration avec Joan Gardy Artigas, l’artiste réalise sa dernière sculpture qui est destinée à la ville de Barcelone. Elle est faite de béton et couverte de céramique. L’état de santé chancelant de Miró l’empêche de participer à la cérémonie d’inauguration. Située dans le parc Joan Miró de Barcelone près d’un étang artificiel, l’œuvre de 22 mètres de haut représente une forme oblongue surmontée d’un cylindre évidé et d’une demi-lune. L’extérieur est couvert de céramique dans les tons les plus classiques de l’artiste : le rouge, le jaune, le vert et le bleu. Les céramiques forment des mosaïques.
Joan Miró meurt à Palma de Majorque le 25 décembre 1983 à l’âge de 90 ans et est enterré au cimetière de Montjuïc de Barcelone.
Ici vous pouvez voir les œuvres de l'artiste qui font partie de la collection.