Max Liebermann est un peintre et graveur allemand né le 20 juillet 1847 à Berlin et mort le 8 février 1935, dans la même ville. Il compte parmi les plus grands représentants du mouvement impressionniste allemand.
Après une formation à Weimar et plusieurs séjours à Paris et aux Pays-Bas, il peint tout d’abord des œuvres naturalistes à thème social. L’étude des impressionnistes français lui permet de trouver à partir de 1880 la palette claire et le coup de pinceau vigoureux qui caractérisent ses principales toiles.
Son œuvre représente symboliquement la transition entre l’art du XIXe siècle et l’art moderne classique de l’époque wilhelminienne et de la République de Weimar. C’est cette mutation qu’il a encouragée en tant que président de la Sécession berlinoise.
De 1920 à 1933, il dirige l’Académie des Beaux-Arts de Prusse avant de démissionner en raison de l’influence grandissante du nazisme sur la politique des arts. Il se retire alors à Berlin, sa ville natale où il passe les deux dernières années de sa vie.
Pour la poursuite des études de son fils, Louis Liebermann choisit le lycée Friedrichwerdersches Gymnasium où sont scolarisés les fils de Bismark. En 1862, Max, âgé de 15 ans, assiste à une réunion organisée par Ferdinand Lassalle et est fasciné par les idées passionnées de ce jeune socialiste. En 1866, Max passe son baccalauréat. Après le baccalauréat, Max Liebermann s’inscrit à l’université Humboldt de Berlin, en chimie, matière dans laquelle a réussi son cousin Carl Liebermann. Mais ces études de chimie ne devaient servir que de prétexte pour pouvoir se consacrer aux arts et à sa nouvelle liberté tout en faisant bonne figure devant son père. C’est pourquoi elles ne furent jamais suivies avec sérieux. Au lieu d’assister aux cours, il monte à cheval dans le parc Tiergarten et peint. En outre, il assiste de plus en plus Carl Steffeck dans la création de peintures monumentales de scènes de bataille. Le 22 janvier 1868, il est radié de l’université pour « manque d’assiduité aux cours ». Après une importante dispute avec son père, il obtient de ses parents le soutien nécessaire pour intégrer l’Académie des Beaux-arts (Großherzoglich-Sächsische Kunstschule) de Weimar. Il y devient l’élève du peintre historique belge Ferdinand Pauwels qui l’initie à Rembrandt au cours d’un voyage de classe au Fridericianum de Cassel. Cette rencontre avec Rembrandt va avoir une influence durable sur le style du jeune Liebermann.
Lors de la guerre franco-allemande de 1870, il succombe pendant un moment à l’engouement patriotique général. Il s’enrôle volontairement dans l’Ordre protestant de Saint-Jean, étant donné qu’une fracture du bras mal ressoudée l’empêche d’intégrer le service militaire. Il sert alors comme soldat sanitaire près de Metz. À partir de Pâques 1871, Max Liebermann séjourne à Düsseldorf où l’influence de l’art français est beaucoup plus marquée qu’à Berlin. Il y rencontre Mihály Munkácsy dont la représentation réaliste de femmes effilant la laine – simple scène de la vie quotidienne – attire son attention. Grâce à l’aide financière de son frère Georg, il se rend pour la première fois aux Pays-Bas et visite Amsterdam et Scheveningen où la lumière, les personnes et le paysage l’enchantent.
Son premier grand tableau Les Plumeuses d’oies a été créé pendant les mois suivant son retour. Il montre, dans des tons foncés, une activité prosaïque peu appréciée : le plumage des oies. Dans cette œuvre, Liebermann a intégré, en plus du naturalisme de Munkászy, des éléments de la peinture historique. À la vue du tableau encore inachevé, son maître Pauwels le renvoie, lui disant qu’il ne peut désormais plus rien lui apprendre. Lorsque Liebermann présente le tableau en 1872 à la Hamburger Kunstausstellung (exposition d’arts de Hambourg), ce sujet inhabituel suscite le dégoût et choque. Si la critique loue l’adresse du peintre, elle le surnomme néanmoins « l’apôtre du laid ». La toile est exposée la même année à Berlin.
L’art de Liebermann est qualifié de « peinture du sale ». Il envoie donc sa deuxième grande œuvre Les Faiseuses de conserve (Die Konservenmacherinnen) à la grande exposition annuelle d’Anvers où il trouve aussitôt deux acheteurs intéressés. Liebermann a trouvé le style qui caractérisera la première période de son œuvre : il peint, de façon réaliste et dénuée de toute sentimentalité, des hommes au travail, sans condescendance ni transfiguration romantique mais sans militantisme non plus. Il montre dans ses motifs la dignité naturelle sans avoir besoin d’embellir quoi que ce soit.
En décembre 1873, Max Liebermann déménage à Paris et s’installe un atelier à Montmartre. A Paris, dans cette capitale mondiale des arts, il désire nouer des liens avec les réalistes et impressionnistes les plus influents de son temps. Mais les peintres français refusent d’entretenir tout contact avec le peintre allemand. En 1874, il expose ses Plumeuses d’oies au Salon de Paris où l’œuvre est particulièrement remarquée mais reçoit de mauvaises critiques de la presse fortement influencée par les idéaux nationalistes. A l’été 1874, Liebermann séjourne pour la première fois à Barbizon, près de la forêt de Fontainebleau. « Munkácsy me fascinait énormément mais plus encore Troyon, Daubigny, Corot et surtout Millet. ».
En 1875, Liebermann passe trois mois à Zandvoort en Hollande. Il copie, à Haarlem, de nombreux tableaux de Frans Hals. L’étude de la peinture de portrait de Hals lui ouvre des perspectives pour son propre style. La méthode de Frans Hals pour appliquer les couleurs, qui est à la fois vigoureuse et imprécise, se retrouve dans la période tardive de Liebermann tout comme l’influence des impressionnistes français. Liebermann prend, de plus, l’habitude de laisser s’écouler une longue période entre l’apparition de l’idée et la réalisation des grands tableaux. Ce n’est qu’à l’automne 1875, une fois rentré à Paris et installé dans un plus grand atelier, qu’il s’inspire du vécu pour créer une première toile représentant de jeunes pêcheurs en train de se baigner ; il réutilisera ce motif plusieurs années après et le couchera sur la toile.
A l’été 1876, il effectue à nouveau un séjour de plusieurs mois aux Pays-Bas. Il y poursuit son étude de Hals. C’est grâce à cela qu’il trouvera plus tard son propre style, qui profitera tout particulièrement à ses portraits À Amsterdam, il fait la connaissance du graveur William Unger qui le met en contact avec Jozef Israëls et l’école de La Haye. Dans son tableau École de couture en Hollande, Liebermann emploie l’effet de la lumière de façon déjà impressionniste. Par le biais du professeur August Allebé, il découvre la Synagogue portugaise d’Amsterdam, ce qui l’amène à une réflexion picturale sur ses origines juives. C’est à cette même époque qu’il réalise ses premières études de l’orphelinat d’Amsterdam.
En 1878, Liebermann se lance tout d’abord dans un voyage en Italie. Il désire contempler à Venise des œuvres de Vittore Carpaccio et de Gentile Bellini pour y puiser une nouvelle inspiration. Il fait, à cette occasion, la connaissance d’un groupe de peintres munichois – parmi lesquels se trouve Franz von Lenbach – en compagnie duquel il reste à Venise pendant trois mois. Puis, il suit le groupe dans la capitale bavaroise qui, avec l’école de Munich, constitue le centre allemand de l’art naturaliste.
En décembre 1878, Liebermann débute son Jésus à 12 ans au temple, en s’aidant des premières esquisses qu’il a débutées dans les synagogues d’Amsterdam et de Venise. Il n’a encore jamais consacré autant de travail à la mise en scène d’un tableau : il combine ses études de l’intérieur de la synagogue à des personnages individuels dont il a fait auparavant des études de nu et qu’il habille finalement dans le tableau. Il fond le sujet dans une lumière quasi mystique qui semble émaner de l’enfant Jésus, véritable centre lumineux.
Liebermann est alors déjà un artiste célèbre mais sa peinture connaît une période de stagnation lors de son séjour en Hollande en 1879. La lumière dans la représentation d’une rue de village datée de cette époque semble blafarde et artificielle. En 1880, il participe au Salon de Paris. Les tableaux qu’il y expose ont cela de commun qu’ils représentent des hommes travaillant ensemble paisiblement au sein d’une communauté harmonieuse. Cette ambiance, Liebermann ne la doit en aucun cas au Munich échauffé par les querelles antisémites mais plutôt aux Pays-Bas où il se rend désormais chaque année. Il effectue également des séjours dédiés à la peinture dans la région de Dachau, à Rosenheim et dans l’Inntal qui lui inspire son tableau Brasserie de campagne à Brannenbourg.
En automne, Liebermann repart à Dongen pour achever sur place L’Atelier du cordonnier. Il exprime également dans cette œuvre son orientation vers la peinture de lumière. Mais il reste cependant fidèle à ces travaux antérieurs en évitant toute transfiguration romantique. Les tableaux L’Atelier du cordonnier et Dans l’orphelinat, Amsterdam trouvent en 1882 au Salon de Paris un acheteur en la personne de Jean-Baptiste Faure. La presse française le célèbre en tant qu’impressionniste. Mais au lieu de se laisser englober par le mouvement impressionniste, Liebermann délaisse la peinture de lumière pour se consacrer à nouveau au naturalisme dans son tableau La Blanchisserie. Alors qu’il travaille à ce tableau, Vincent van Gogh tente de faire sa connaissance à Zweeloo, rencontre qui n’aura pas lieu. De retour des Pays-Bas, Liebermann répond à l’appel de la comtesse de Maltzan résidant à Militsch en Silésie et réalise sa première commande : une vue de village.
En 1884, Liebermann décide de retourner à Berlin, sa ville natale tout en sachant qu’il va au-devant de conflits inévitables. D’après lui, Berlin jouera tôt ou tard le rôle de capitale des arts car elle abrite le plus grand marché d’art. En outre, Liebermann considère la tradition munichoise de plus en plus comme un fardeau.
Il est admis à l’Association des artistes berlinois (Verein Berliner Künstler). Il doit son admission, entre autres, à Anton von Werner qui sera plus tard son adversaire.
Carl et Felicie Bernstein habitent en face de la famille Liebermann. C’est chez ces voisins extraordinairement cultivés que Max Liebermann voit des tableaux d’Édouard Manet et d’Edgar Degas, qui l’accompagneront le reste de sa vie. Dans le cercle d’amis de ses voisins, Liebermann se sent, pour la première fois, reconnu comme membre de la communauté des artistes berlinois : Max Klinger, Adolph von Menzel, Georg Brandes et Wilhelm von Bode en sont des habitués tout comme Theodor Mommsen, Ernst Curtius et Alfred Lichtwark. Ce dernier, directeur de la Kunsthalle de Hambourg, reconnaît très tôt le don pour l’impressionnisme de Liebermann. L’adhésion de Liebermann à la Société des amis (Gesellschaft der Freunde) contribue également à le faire accepter auprès de la classe bourgeoise supérieure.
Après huit années d’absence loin de Berlin, Liebermann participe à nouveau, en 1886, à l’exposition de l’Académie des Beaux-Arts à laquelle il destine les tableaux Dans l’orphelinat, Amsterdam, Maison de retraite, Amsterdam et Das Tischgebet (la prière du souper). Ce dernier tableau qui représente une famille de paysans hollandais à l’heure de la prière, dans un cadre austère, a été créé sur le conseil de Jozef Israëls au cours du voyage de noces. Le « faiseur d’opinions » Ludwig Pietsch qualifie Liebermann d’homme de grand talent et de parfait représentant de l’art moderne.
En 1889, l’Exposition universelle a lieu à Paris, à l’occasion du centenaire de la Révolution française. Liebermann projette avec Menzel, Leibl, Trübner et von Uhde de présenter l’élite de la peinture allemande. La presse allemande lui reproche de servir les idées de la révolution. Le viel Adolph von Menzel prend alors à nouveau parti pour Liebermann et la première exposition de l’art allemand non officiel a lieu sur le sol français. L’Exposition universelle fait connaître Liebermann définitivement du grand public. À Paris, il est récompensé par une médaille d’honneur et est admis à la Société des Beaux-Arts.
En 1889, Liebermann se rend à Katwijk où, en peignant Femme avec des chèvres dans les dunes, il prend pour la dernière fois la classe sociale comme sujet. Le succès grandissant, Liebermann trouve le loisir de se consacrer à des toiles représentant des scènes de vie plus légères.
Le 5 février 1892, est fondé à Berlin le groupe des XI qui réunit onze peintres. Le groupe des XI deviendra au cours des années suivantes la pierre angulaire de la future Sécession qui s’opposera aux idées conservatrices de l’école de peinture académique. La Sécession berlinoise se réunit tout d’abord dans la Kantstraße, puis déménage en 1905 vers le Kurfürstendamm, près du Romanisches Café et de l’atelier de la photographe Frieda Riess, ouvert en 1917.
Le 5 novembre 1892, l’Association des artistes berlinois expose 55 toiles du peintre norvégien Edvard Munch. La critique s’indigne devant les œuvres qu’elles dénoncent comme les « excès du naturalisme ». Une demande urgente de réexamen devant la Cour d’Appel est rejetée, une seconde demande, en revanche, conduit à la réunion d’une assemblée générale de l’Association des artistes berlinois. Celle-ci décide, à 120 contre 105, de fermer l’exposition Munch. Cet événement provoque la scission définitive entre l’école conservatrice réactionnaire dont Anton von Werner devient le porte-parole au cours de cet incident, et l’école libérale moderne dont Max Liebermann est un des leaders. 60 autres membres indignés de l’Association fondent, le soir même de la décision, l’Association libre des artistes.
Parallèlement, il se consacre à la peinture de portrait. En 1895, il crée un portrait au pastel de son ami Gerhart Hauptmann pour lequel il remporte le premier prix à Venise. Liebermann reprend également son sujet favori des garçons se baignant car il s’intéresse au défi pictural des corps en mouvement à la lumière naturelle. Mais au lieu de créer comme autrefois des peintures conservatrices avec des compositions du mouvement classiques, il parvient à une représentation plus libre de la vie balnéaire. Il ne réussit à donner à ce sujet les traits impressionnistes que plusieurs années après.
En 1896, Hugo von Tschudi est nommé directeur de la Nationalgalerie (galerie nationale de peinture). Il s’intéresse aux impressionnistes français et se rend à Paris pour acquérir des toiles. Max Liebermann l’accompagne afin de le conseiller dans ses choix pour la Nationalgalerie. Alors que Tschudi s’apprête à acquérir l’œuvre de Manet Au Jardin d’hiver, Liebermann le lui déconseille étant donné que Berlin trouve le naturalisme scandaleux. Grâce à Tschudi, Liebermann peut entrer en contact avec Edgar Degas qu’il rencontre à Paris. Après cela, Liebermann part pour dix jours à Oxford où son frère Felix reçoit la distinction de docteur honoraire de l’université. À Londres, il rencontre le peintre James McNeill Whistler dont la gravure à l’eau forte sur le modèle des grands maîtres laisse un souvenir indélébile dans l’esprit de Liebermann. À l’occasion de son 50e anniversaire en 1897, l’Académie des Beaux-Arts consacre toute une salle d’exposition à Liebermann dans laquelle trente toiles, neuf dessins, trois lithographies et dix-neuf gravures peuvent être admirés. Après que l’Académie berlinoise conservatrice a connu une véritable défaite avec la célébration de son bicentenaire en 1892, elle s’ouvre peu à peu aux influences modernes. Cette tendance est illustrée par la remise de la grande médaille d’or à Liebermann. Celui-ci reçoit, de plus, le titre de professeur et est admis en 1898 à l’Académie, grâce au vote notamment d’Anton von Werner. Sa renommée artistique n’a, à cette époque, jamais été aussi grande.
Après que le jury sous la direction d’Anton von Werner a refusé une toile du peintre berlinois Walter Leistikow à la Grande exposition d’art de Berlin en 1898, celui-ci propose de fonder une communauté d’artistes indépendants. Max Liebermann est nommé président de ce groupe d’artistes libres, modernes. Il est assisté pour la présidence des artistes Otto H. Engel, Ludwig Dettmann, Oskar Frenzel, Curt Herrmann et Fritz Klimsch. Liebermann ne s’est pas porté volontairement comme porte-parole de la Sécession, il fut, au contraire, poussé par ses collègues à en être le chef. Sa notoriété éveille l’intérêt du public pour la Sécession berlinoise. Liebermann introduit les galeristes Bruno et Paul Cassirer comme secrétaires.
Pour la 1e exposition de la Sécession en mai 1899, Liebermann a réussi à inviter également des artistes de Munich, Darmstadt et Stuttgart. Se joignent également à eux la colonie d’artistes de Worpswede, Arnold Böcklin, Hans Thoma, Max Slevogt et Lovis Corinth. Ces derniers exposent pour la première fois dans la capitale. Le succès de l’exposition qui dépasse toutes les attentes avec ses 1800 visiteurs et ses chiffres de vente élevés est encore renchéri en 1900. Les expositions de la Sécession deviennent, sous la direction de Liebermann, un événement artistique européen.
L’arrivée de Corinth et Slevogt à Berlin, en 1901, change le rôle de la capitale dans le paysage artistique allemand. Alors que le déclin de Munich s’accélère, Berlin affirme sa place de capitale également dans les arts. Le recteur de l’Académie Anton von Werner essaie par tous les moyens de freiner l’ascension des courants modernes.
À l’été 1899, Liebermann séjourne à Zandvoort et Scheveningen. Il y poursuit son travail sur le tableau sur les garçons se baignant jusqu’à parvenir à une représentation insouciante de la vie balnéaire. Les motifs de la population rurale hollandaise aux mœurs spartiates disparaissent. Il recherche des motifs lui servant de base à un impressionnisme léger. C’est pourquoi il s’oriente, outre la vie balnéaire des gens cultivés (avec de vagues représentations de cavaliers et de femmes), vers les jeux de lumière dans les jardins foisonnants. En 1901, il crée l’œuvre Maison de campagne à Hilversum sur le modèle de La Maison à Reuil d’Édouard Manet dont le jeu d’ombres et de lumières suggère l’harmonie et le calme.
En 1902, Liebermann se rend à nouveau à Hambourg Il est venu dans le but de peindre des vues des alentours de Hambourg pour la « collection de toiles de Hambourg ». Il crée, entre autres, la toile Polospiel in Jenischs Park (jeu de polo au parc Jenisch) et une de ses toiles les plus connues Terrasse du restaurant Jacob à Nienstedten au bord de l’Elbe. En 1903, apparaît sa première publication en tant que professeur de l’Académie des Beaux-Arts de Berlin sous le titre « Die Phantasie der Malerei », dans laquelle il rejette catégoriquement toute création ne provenant pas de l’observation du réel. Pour la peinture, le sujet a, en fait, peu d’importance, il s’agit de trouver « les moyens picturaux permettant de reproduire au mieux la nature ». Il rejette ainsi le nouveau mouvement de l’art abstrait, notamment l’expressionnisme. L’essai de Liebermann n’est pas une œuvre militante mais son plaidoyer personnel en faveur du naturalisme et de l’impressionnisme. Pour l’Avant-garde expressionniste, l’ennemi n’est plus la direction réactionnaire de l’Académie mais la direction de la Sécession impressionniste.
Lorsque la Sécession berlinoise quitte la Kantstraße en 1905 pour emménager dans un plus grand bâtiment d’exposition sur le Kurfürstendamm, Liebermann noue des contacts étroits avec le directeur de la Nationalgalerie, Wilhelm von Bode. En été, il peint à l’huile à Amsterdam la Judengasse qu’il a découverte trois décennies plus tôt. En septembre, il retourne à Hambourg pour réaliser une commande de Lichtwark consistant à peindre pour la Kunsthalle de Hambourg un tableau représentatif de neuf professeurs de Hambourg. La force créatrice de Liebermann a atteint son apogée. Depuis la mort d’Adolph Menzel qui l’a fortement influencé, il est devenu le seul représentant majeur de l’art berlinois.
En 1907, la Sécession Berlinoise consacre à son président une grande exposition commémorative qui attire un grand nombre de visiteurs. Liebermann passe son soixantième anniversaire à Noordwijk où il s’isole du bruit fait autour de sa personne. Depuis 1900, Liebermann s’intéresse de plus en plus au graphisme et au dessin au crayon. En 1908, la Sécession présente 59 de ses gravures à l’eau forte dans l’« exposition noir et blanc ».
En 1909 éclate le conflit de génération qui couvait depuis déjà longtemps entre impressionnistes et expressionnistes : en 1910, la direction de la Sécession sous la présidence de Liebermann refuse 27 toiles expressionnistes. Le président impose son avis sur l’expressionnisme et devient ainsi le porte-parole du conservatisme, lui qui se rebellait autrefois contre l’art académique. Par son attitude, il amorce le déclin du mouvement sécessionniste. Son adversaire dans ce conflit n’est autre qu’Emil Nolde . Nolde reproche à Liebermann sa haine du progrès et son pouvoir dictatorial au sein de la Sécession. Le premier reproche, du moins, va quelque peu contre les faits. En 1910, sont exposés pour la première fois des œuvres de Pablo Picasso, Henri Matisse, Georges Braque et des fauvistes. La direction de la Sécession est solidaire de son président et qualifie le comportement de Nolde de « grosse hypocrisie ». On réunit une assemblée générale qui, à 40 voix contre 2, s’exprime en faveur de l’exclusion de Nolde. Bien que Liebermann sorte grandi de ce débat, Nolde a atteint son objectif : la Sécession est ébranlée dans ses fondements. En tentant de réhabiliter Nolde, Liebermann a voulu montrer sa tolérance mais le clivage du mouvement sécessionniste ne peut plus être stoppé. Nolde fonde la « Nouvelle Sécession » à laquelle adhèrent les peintres du mouvement Die Brücke et l’Association des artistes munichois (NKVM). Au printemps 1911, Liebermann fuit la crise de la Sécession et se réfugie à Rome. Les critiques sur la façon de diriger de Liebermann sont de plus en plus véhémentes et finissent par s’immiscer dans les rangs des siens. Le 16 novembre 1911, Liebermann se retire de la Présidence de la Sécession Berlinoise. Max Beckmann, Max Slevogt et August Gaul quittent également la Sécession. L’assemblée générale fait de Liebermann son président d’honneur et confie la direction de la Sécession à Lovis Corinth. Cette décision marque la fin de la Sécession et scelle la disparition des impressionnistes allemands.
La première exposition annuelle de la Sécession, postérieure à l’ère Liebermann, qui a lieu en 1912 sous la direction de Corinth ne connaît aucun succès. Liebermann passe cet été-là à Noordwijk. Lors d’un séjour à La Haye, la reine Wilhelmine des Pays-Bas le décore de l’Ordre de la maison d’Orange. L’université Friedrich-Wilhelm de Berlin le nomme docteur honorifique et il est invité, comme c’est depuis longtemps son souhait, à faire partie du sénat de l’Académie des Beaux-Arts. Les universités des Beaux-Arts de Vienne, Bruxelles, Milan et Stockholm l’acceptent comme membre. Tous les bourgeois berlinois ayant un rang et un nom commandent un portrait à Liebermann.
Au début de l’année 1913, Corinth ainsi que les autres membres de la direction de la Sécession quittent leurs postes. Paul Cassirer est nommé président. Le président d’honneur essaie d’empêcher la nomination de ce « non-artiste » mais il ne veut pas à nouveau ruer dans les brancards. Cassirer exclut de l’exposition annuelle de 1913 les membres qui ont voté contre lui durant l’assemblée générale. Contre toute attente, Lovis Corinth se range de leur côté. Liebermann et les anciens fondateurs de la Sécession quittent le groupe au cours de cette deuxième crise. En février 1914, est fondée finalement la « Sécession libre » qui poursuit la tradition du premier mouvement de la Sécession. Une hostilité symbolique, résultat de la sécession atrophiée et de la Sécession libre, règne entre Liebermann et Corinth. Corinth essaie jusqu’à sa mort de s’opposer à Liebermann dans la mesure de ses moyens et dresse, dans son autobiographie, un portrait de son collègue empreint de mépris.
À l’automne 1914, Max Liebermann fait partie des 93 signataires (rassemblant professeurs, écrivains et artistes) de l’appel « Au monde civilisé » dans lequel les crimes de guerre allemands sont réfutés six fois de suite par l’expression « Il n’est pas vrai ! ». À la fin de la guerre, il commentera cet appel dans des termes pleins d’autocritique : « Au début de la guerre, on ne tergiversait pas longtemps. On était solidaire avec son pays. Je sais bien que les socialistes sont d’un autre avis. […] Je n’ai jamais été socialiste et on ne le devient plus à mon âge. Toute mon éducation, je l’ai acquise ici, toute ma vie, je l’ai passée dans la maison où vivaient déjà mes parents. Et la patrie allemande vit dans mon cœur comme un idéal intouchable et immortel ».
En avril 1916, l’essai de Liebermann « Die Phantasie in der Malerei » (L’imagination dans la peinture) est édité pour la première fois sous forme de livre. En 1917, l’Académie des Beaux-Arts de Prusse propose une grande rétrospective des œuvres de Liebermann pour fêter ses 70 ans. Près de 200 toiles sont exposées.
Le 18 janvier 1918, a lieu la cérémonie d’ouverture du cabinet Max Liebermann de la Nationalgalerie.
Une fois la guerre et la révolution passées, Liebermann revêt en 1920 la fonction de président de l’Académie des Beaux-Arts de Berlin. Les sécessionnistes continuent à exister en parallèle jusqu’à ce qu’ils disparaissent sans bruit. La nomination de Max Liebermann comme président de l’Académie met un terme de facto à l’époque du mouvement sécessionniste. Il essaie de regrouper les différents courants sous l’égide de l’Académie et y intègre aussi l’expressionnisme. Contraint de rebâtir l’institution impériale en ruines, Liebermann parvient à lui donner une structure démocratique, un enseignement libre et à lui attirer le respect de l’opinion publique. Grâce à son intervention, Max Pechstein, Karl Hofer, Heinrich Zille, Otto Dix et Karl Schmidt-Rottluff sont admis à l’Académie.
En 1927, Liebermann revient sur le devant de la scène publique : les médias et le monde artistique le célèbrent, lui et son œuvre, à l’occasion de son 80ème anniversaire. Parmi les congratulants, on trouve, outre l’archétype berlinois Zille, également des personnages internationaux tels qu’Albert Einstein, Heinrich et Thomas Mann ainsi que Hugo von Hoffmannstal. Encore aucun artiste n’a été aussi honoré par sa ville natale que Liebermann par Berlin lui offrant une exposition-anniversaire de plus de 100 toiles. Son œuvre est entrée parmi les classiques. Son style autrefois provocateur fait l’effet en 1927 d’un document d’une autre époque.
La ville de Berlin lui décerne le titre de citoyen d’honneur après de vifs débats au conseil municipal. Le Président du Reich Paul von Hindenburg décore Liebermann de la Grande Croix de l’ordre de l’Aigle germanique « comme remerciement de la part du peuple allemand ».
En 1932, Liebermann tombe gravement malade. C’est pour cette raison qu’il libère son poste de Président de l’Académie et devient président d’honneur. Grâce aux soins de son ami le médecin Ferdinand Sauerbruch, le peintre recouvre la santé. Les portraits qu’il fait de Sauerbruch constituent la fin de son œuvre portraitiste et en sont l’apogée. Pour la dernière fois, il se tourne vers un nouveau motif.
En janvier 1933, a lieu la prise de pouvoir des Nazis. Alors que la retraite au flambeau des nouveaux hommes au pouvoir défile devant sa maison sur la Pariser Platz, Liebermann prononce dans son dialecte berlinois la célèbre phrase maintes fois citée : ” Ick kann jar nich soville fressen, wie ick kotzen möchte “ (je ne pourrai jamais assez manger pour vomir autant que je le souhaite).
Liebermann ne se risque cependant pas à faire front aux changements s’amorçant dans la politique culturelle, comme le firent par exemple Käthe Kollwitz et Heinrich Mann. « Le plus naturel serait de démissionner. Mais cela passerait, de la part du Juif que je suis, pour de la lâcheté. » En mai 1933, le lendemain de l’autodafé de livres, il quitte toutes ses fonctions officielles. Il se retire de la scène publique et rares sont les compagnons qui le soutiennent et lui restent fidèles. Seule Käthe Kollwitz recherche encore sa compagnie. En 1934, est créé un dernier autoportrait. Le 8 février 1935, Max Liebermann décède dans sa maison de la Pariser Platz. Käthe Kollwitz rapporte qu’il s’est endormi silencieusement à sept heures du soir. Le masque mortuaire est réalisé par le jeune sculpteur Ano Breker qui sera plus tard controversé en raison de son rôle d’artiste préféré d’Hitler et de son attachement au Nazisme. La photographe Charlotte Rohrbach photographie le masque en plâtre.
Les médias n’accordent aucune attention à son décès qui n’est mentionné qu’en marge. L’Académie des Beaux-Arts devenue entre-temps un instrument des Nazis refuse d’honorer son ancien président. C’est ainsi qu’aucun représentant officiel n’apparaît à son enterrement au cimetière juif de la Schönhauser Allee, le 11 février 1935 – ni l’Académie, ni la ville dont il est le citoyen d’honneur. La Gestapo avait interdit à l’avance la participation à ses obsèques afin qu’elles ne donnent pas lieu à une manifestation pour la liberté artistique. Cependant, près de 100 amis et proches y assistent. On compte parmi les personnes présentes, Käthe Kollwitz, Hans Purrmann, Konrad von Kardorff, Otto Nagel, Ferdinand Sauerbruch avec son fils Hans, Bruno Cassirer, Max Jakob Friedländer, Friedrich Sarre et Adolph Goldschmidt.
Ici vous pouvez voir les œuvres de l'artiste qui font partie de la collection.