La devise de la République Française, inscrite sur les frontons des Mairies et des écoles et, en général, à profusion dans l’espace public, est « Liberté, égalité, fraternité ».
Par contre, la devise des billets en dollar américain (et on comprend ici, américain comme originaire des États-Unis d’Amérique) est « In God we trust » (« En Dieu nous avons confiance »), est donc une claire indication que, si on suit les enseignements évangéliques, nous tous, nous sommes fils de Dieu et, en conséquence, il y a un principe d’égalité et de fraternité entre les êtres humains. Qu’il y a, ou plutôt qu’il devrait y avoir…
Il semble, donc, que le principe d’égalité, théorique, est bien ancré dans les pratiques politiques française et américaine. Et malgré tout, l’esclavagisme a existé et l’apartheid racial a existé…
Ces pensées me sont venues à l’esprit à l’occasion d’une exposition, pionnière en France, quirassemble des centaines d’œuvres afro-américaines et retrace l’histoire artistique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis. Une exposition qu’on pourra visiter au musée du Quai-Branly- Jacques Chirac jusqu’au 15 janvier 2017.
À l’orée du XXe siècle, William Edward Burgardt Du Bois, premier théoricien noir américain de la ségrégation raciale, professait que «le problème du XXe siècle serait le problème de la ligne de partage des couleurs» (Les âmes du peuple noir, 1903) . Cette «Color Line», est la ligne de démarcation symbolique qui sépare l’Amérique en deux couleurs -et deux peuples- de la fin de la Guerre de Sécession jusqu’à aujourd’hui, est au cœur de cette nouvelle exposition. Une ligne symbolique difficile à franchir…
The Color Line (le titre de l’exposition) rassemble pour la première fois en France tous les grands noms de l’art africain américain. Les visiteurs connaissaient, souvent, déjà les grandes figures politiques de l’activisme noir (comme Angela Davis ou Malcolm X, par exemple). Mais cette lutte s’incarna également de façon magistrale dans les arts plastiques dès le début du XXe siècle. En tout, plusieurs centaines de documents (peintures, dessins, sculptures), réunis exceptionnellement par le musée pour l’occasion, retracent 150 ans d’histoire de l’art, de construction d’une identité noire américaine et de lutte politique pour la conquête des droits civiques. Une lutte qui continue si on tient compte des assassinats, encore aujourd’hui, par la police des gens pour leur couleur de peau (en Californie ou en Caroline du Sud, par exemple).
Derrière leur figure de proue, de William Edward Burgardt Du Bois, ce sont notamment tous les artistes de la «Harlem Renaissance» (surnommée également «New Negro Movement») qui ont été en tête du mouvement et qui s’exposent au Quai Branly. Ce mouvement artistique majeur de l’entre-deux-guerres s’épanouit particulièrement en littérature avec les figures charismatiques de Burgardt Du Bois, de Booker T. Washington ou d’Alain Locke (New Negro, 1925) mais ses ramifications s’étendirent à la sculpture, la photographie et surtout la peinture.
Il est arrivé, donc, le moment de découvrir de nombreux peintres associés à ce mouvement et quasi inconnus en Europe: c’est le cas d’Aaron Douglas, surnommé le «père de l’art noir américain», d’Archibald Moltey et de bien d’autres. Les visiteurs de l’exposition au Quai-Branly pourront admirer notamment les célèbres fresques narratives de Jacob Lawrence (The Migration series et War series), premières reconstitutions picturales de l’Amérique post esclavagiste, qui déroulent les épisodes les plus traumatiques de l’histoire noire américaine. Une histoire de lutte pour l’égalité raciale, une lutte qui est encore vivante, qui mérite d’être connue et qui inspire le plus grand respect.
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