
Le 18 Mars dernier au moins deux terroristes ont investi le Musée du Bardo, à Tunis, et ils y ont tué 22 personnes, pour la plupart des touristes. Cette attaque terroriste s’inscrit dans la déjà longue liste d’attentats meurtriers contre la culture, principalement exécutés par des djihadistes, contre tout ce qu’ils considèrent comme impur, c’est-à-dire pour eux tout ce qui n’est pas écrit de façon littérale dans leur livre sacré. On peut les qualifier de rigoristes, mais aussi d’assassins dangereux fanatisés.
L’enjeu majeur de cette situation, au-delà de ce fanatisme sans limites, c’est la méconnaissance de leur propre histoire par les peuples qui souffrent l’oppression pseudo-religieuse ou ses conséquences. Par exemple, et si on prend le cas justement du Musée du Bardo, les étrangers y constituent l’essentiel de la fréquentation. Les statistiques, jalousement gardées, indiqueraient que selon un sondage réalisé en 2008 les Tunisiens ne représentaient qu’à peine 6% des visiteurs. Même si, depuis les importants travaux de rénovation de la présentation et de réaménagement général achevés en 2012, la politique développée auprès des scolaires a fait grimper un peu le pourcentage.
Le Bardo fut créé en 1885, dans les premières années de la colonisation française, mais le musée n’a jamais trouvé le public du pays. Il a longtemps été surnommé « la maison des bizarreries », tant les pièces rapportées au fil des fouilles paraissaient étranges à des gens plongés uniquement dans la culture arabo-islamique. Les colons français et les conservateurs du musée ont mis l’accent sur la romanité, et les Tunisiens de l’époque ont ressenti cela comme une manipulation de nature à déformer plutôt qu’à façonner l’identité de leur peuple. Résultat visible: le Musée n’a été jamais apprivoisé par le peuple Tunisien.
Pire: cela a produit une espèce de négation du passé de la Tunisie. Même si on pouvait trouver dans l’enceinte du Musée une riche collection de mosaïques romaines, toutes sortes de statues et sculptures antiques, des objets usuels, des céramiques arabes, de nombreuses stèles, quelques tombes puniques, des sarcophages romains, un panthéon de divinités numides, des mosaïques funéraires chrétiennes…c’est à dire, la mémoire du pays, le peuple la surnommait « la maison des bizarreries »…
Et, par contre, ce parcours de la Tunisie dans l’histoire méditerranéenne est le symbole d’un pays pluriel qui symbolise le brassage des cultures. Mais si on ne veut pas connaître la période préislamique il n’y a pas grande chose à faire! Le click qui peut changer les choses ou l’aperçu sur la culture, c’est justement reprendre un rôle de brassage des cultures. Il n’y a pas probablement de meilleur objectif pour un Musée.
Mais il est vrai aussi que pour connaître, il faut avoir l’esprit ouvert et aller dans les Musées, là où se trouve sauvegardé et mis en valeur le patrimoine historique et culturel d’un pays. Il faut, donc stimuler la fréquentation des musées, et pour cela il faudra, peut-être, commencer par avoir une autre mentalité. Il faudra encourager l’envie de regarder en arrière, et le plus en arrière possible, afin de comprendre qu’il faut être fier qu’un pays, comme la Tunisie, ait brassé beaucoup de civilisations ; des civilisations qui ont laissé leurs traces, des traces qu’il faut aller découvrir dans les musées et sur les sites archéologiques. Mais il faut bouger, il faut y aller, et les musées doivent aider à franchir le pas ou même s’adapter à des nouveaux publics.
Pour aimer le brassage des cultures, il faut aimer notre passé, découvrir les différentes civilisations qui nous ont précédés, et aller à la découverte des musées. C’est un des meilleurs investissements pour une civilité globale, ouverte et partagée.
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