
Au XVIIIe siècle, de nombreuses artistes travaillèrent dans des ateliers des peintres, tout comme aux époques précédentes. En général, elles étaient vouées à peindre des natures mortes ou des portraits. De plus, les préjugés sociaux de l’époque leur interdisaient de fréquenter certains ateliers, remplis de jeunes hommes en apprentissage et de modèles qui posaient nus.
Bon nombre d’entre elles apprenaient dans les ateliers des parents, tandis que leurs proches étaient en charge de la commercialisation de leurs œuvres. Dans la plupart des cas, après une carrière d’une quinzaine d’années, elles se mariaient et étaient amenées à abandonner la peinture, sauf le cas où leur mari était lui-même artiste ou marchand d’art.
À l’époque, l’Académie royale de peinture et de sculpture (fondée en 1648, sous la régence d’Anne d’Autriche) acceptait les femmes, mais sous des conditions si drastiques que, souvent, leur titre d’académicienne n’était que purement honorifique. De toute façon, et dans ce contexte, le Directeur de l’Académie, le grand Charles Le Brun, fit entrer la première femme, Catherine Bourchardon, dès 1663. Elle était peintre de natures mortes, ce qui signifie que son admission se faisait dans la catégorie la plus basse de la hiérarchie des genres. Une hiérarchie qui plaçait en son sommet la peinture d’histoire puis le portrait, la scène de genre et la nature morte en dernier. Mais positivons, elle y fit bien son entrée!
Les femmes suivantes furent admises dans la même catégorie ou dans celle du portrait. Et il ne faut pas oublier que ce cantonnement dans les genres mineurs avait pour conséquences d’exclure les femmes des conférences (sur l’anatomie, la géométrie et la perspective) et du prix de Rome, un concours couronné par un séjour d’un an dans cette ville. Évidemment, privées des séances de dessin avec un modèle vivant, de l’enseignement théorique et du possible voyage en Italie, les femmes n’avaient guère d’autre possibilité que de peindre des natures mortes.
Face à l’ambiguïté de cette situation (d’admission, disons, partielle), l’Académie royale décida en 1706 d’exclure nettement les femmes, à l’exception de la pastelliste vénitienne Rosalba Carriera, qui n’était que de passage à Paris, en 1720. Mais, avec la précision de part de l’Académie que cette exception ne devait pas constituer un précédent.
Il faudra attendre trente-sept ans pour que l’Académie entrouvre à nouveau ses portes à des femmes artistes dont le talent était de plus en plus éclatant. Marie-Thérèse Reboul et Anne Vallayer-Coster furent ‘reçues’ comme peintres de natures mortes, Anna Dorothea Therbusch comme peintre de genre (en 1767) puis Marie Suzanne Giroust comme peintre portraitiste. Ce fléchissement de l’institution témoigne d’une lente évolution qui déboucha sur la décision, en 1770, d’admettre les femmes, mais au nombre de quatre. C’est de cette mesure que bénéficieront Élisabeth Vigée Le Brun et Adélaïde Labille-Guiard, admises en 1783.
Comme tout candidat à l’Académie, la jeune peintre devait soumettre une œuvre, ce qu’on appelle le ‘morceau de réception’, qui devait être validé par les membres. Dans le cas d’Élisabeth Vigée Le Brun, au lieu d’un portrait, elle présenta une allégorie, ‘La Paix ramenant l’Abondance‘ (1780, Musée du Louvre), ce qui revenait à demander à être reçue comme peintre d’histoire. Opposé à la présence des femmes dans l’institution, le directeur de l’époque avança des arguments juridiques pour s’opposer à la réception de Vigée Le Brun.
Il aura fallu l’intervention de la reine Marie-Antoinette elle-même pour que Vigée Le Brun puisse être reçue. Et le registre des entrées de l’Académie précise que c’est ‘sur ordre’ et ne mentionne pas dans quelle catégorie…
Vigée Le Brun ouvra alors une classe de jeunes filles. S’entourer d’élèves représentait l’avantage de se constituer un atelier avec des artistes capables de reproduire fidèlement ses œuvres. Parmi ses élèves, elle compta les sœurs Le Roux, les trois sœurs Lemoine, et leur cousine, Jeanne Élisabeth Gaboiu. Certaines passèrent ensuite dans l’atelier de David, rare peintre à ouvrir une classe pour les filles dans son atelier du Louvre.
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