Parmi les artistes contemporains que j’aime le plus, l’américain Sol Le Witt (1928-2007) occupe une place d’honneur. J’aime les formes, l’usage des couleurs, la force de leurs peintures, sculptures et installations. Et j’aime aussi Sol Le Witt parce qu’il était un collectionneur, un grand collectionneur, avec une collection riche et prestigieuse.
Une collection qu’il commença quand il était jeune, même très jeune. Lui-même nous explique que en 1940 il s’adressait aux philatélistes qu’il sollicitait par courrier avec ces mots: « Le m’appelle Sol LeWitt, j’ai 12 ans et je suis collectionneur ». Pas mal! C’était la première manifestation d’une collectionnite aiguë qui ne le quittera plus.
Soldat pendant la guerre de Corée, le jeune compulsif profita de ses permissions pour se rendre au Japon et y acheter à bas prix des estampes de Yoshiku et Hokusai. Dix ans plus tard, en 1960, Sol LeWitt fut engagé par le MoMA, où il se lia d’amitié avec des gardiens, libraires et réceptionnistes du musée, tous artistes comme lui. Quels étaient leurs noms? Dan Flavin, Robert Mangold, Robert Ryman…Les premiers échanges d’œuvres entre futurs ténors de la scène artistique américaine.
Dans les années 1970, son atelier du Lower East Side débordait déjà d’œuvres de la ‘bande du MoMA’ mais aussi, et assez vite, de pièces de John Baldessari, Hamish Fulton, Daniel Buren ou d’autres artistes moins connus que lui proposaient des galeries européennes en guise de paiement. On y pouvait trouver également un nombre incalculable de livres d’artistes et d’œuvres sur papier signées Robert Smithson, Mel Bochner, Carl André, On Kawara, ou encore Philip Glass, John Cage, etc.
Toujours attentionné, et jamais condescendant, le discret Sol LeWitt soutiendrai toute sa vie de jeunes artistes émergents, en particulier des femmes: Hanne Darboven, Eleanor Antin, Agnes Martin, Barbara Kruger, Sherrie Levine et, surtout, Eva Hesse à qui Sol dédia Wall Drawing 46 et sa toute dernière série (Scribble, 2005).
D’une autre part, et d’August Sander à Bernd & Hilla Becher en passant par Hiroshi Sugimoto ou Thomas Struth, il arrivera à réunir dans sa collection pas moins de trois générations de photographes. La photographie, une autre passion de LeWitt qui ne se déplaçait jamais sans son appareil photo dans les galeries ou les ateliers de Manhattan.
En Italie, où il s’installa en 1975, composa avec sa femme Carol Androccio de très beaux ensembles d’arte povera, souvent, là encore, grâce à un système généreux de don et contre-don. Particulièrement touchante, est une tapisserie carrée d’Alighiero Boetti tissée par des femmes afghanes que porte en son cœur une dédicace amicale à « Sol, Carol, Sofia, Eva LeWitt », un des nombreux chefs-d’œuvre de cette collection de qualité muséale, qui comprend, entre autres curiosités, des peintures aborigènes d’Australie, du design (Hoffmann, Rietveld,…), des textiles…Au total, 4.000 œuvres, qui en disent plus long sur l’artiste que son œuvre, qu’il voulait aussi impersonnelle que possible.
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