
Anish Kapoor, grand maître de l’sculpture, a envahi cet été le domaine de Versailles avec ces œuvres. Des pièces gigantesques, comme Dirty Corner, rebaptisée « Vagin de la Reine » par des secteurs proches de la mouvance traditionnaliste. La controverse était servie, mais tout a monté d’un cran quand le 17 Juin cette sculpture a été vandalisée avec de la peinture jaune, versée sur la pièce dans des quantités non négligeables.
Les responsables du domaine du château de Versailles ont porté plainte contre X, mais de toute façon il faut constater, comme Kapoor même l’as fait sur place, que les dégâts sont considérables.
Ce pénible incident a permis à Anish Kapoor de rédiger un « Statement« , une lettre ouverte, qui contiens une réflexion sur l’art, ses polémiques et leur symbolique. Allons, donc, apprendre et analyser cette espèce de profession de foi du maître anglo-indien, qui nous reproduisons in extenso:
« Les œuvres d’art sont parfois des catalyseurs pour de plus grands malaises de la société. Mon Dirty Corner de Versailles a subi ce destin. Il a été rabaissé dans la presse en « Vagin de la Reine » ou « Vagin sur le Gazon » et a, semble-t-il, offensé une frange de l’extrême droite française.
En art, ce que vous voyez, n’est pas ce que pensez voir. La ressemblance exacte de l’objet d’art nous trompe; Ceci n’est pas une pipe de René Magritte nous rappelle qu’une bonne œuvre d’art a quantité d’interprétations et pas une seule.
La voix malveillante de quelques-uns a trop dominé le débat et même attiré dans leur camp des gens de bonne volonté. Cela a résulté en un acte de vandalisme. J’hérite d’un débat personnel: comment dois-je réagir? Doit-on retirer la peinture qui a été jetée sur l’ensemble de l’œuvre? Ou doit-elle rester et devenir une part de l’œuvre? Est-ce que cette violence politique qui s’exprime à travers le vandalisme rend plus sale mon Dirty Corner [Coin sale]? Est-ce que ce sale acte politique reflète les sales politiques d’exclusion, de marginalisation, d’élitisme, de racisme, d’islamophobie, etc…
La question que je me pose est la suivante: Est-ce que moi, artiste, je peux transformer un vil acte de vandalisme politique en acte créatif, esthétique et public? Ne serait-ce pas la meilleure vengeance?
En posant cette question, je suis conscient du pouvoir de l’art et de toutes les capacités qu’il offre. Dirty Corner est par certains aspects un acte de violence artistique. Il tente de mettre à nu la surface ordonnée du Versailles de Le Nôtre. Il engage un dialogue qui bouscule la géométrie rigide de Versailles. Il regarde sous le tapis de Le Nôtre, sous son Tapis Vert, et nous permet de voir ce qui y est d’inconfortable, de sexuel.
La violence politique n’est pas la même que la violence artistique. Ce vandalisme politique se sert d’un ‘matériel artistique’ (la peinture) pour en faire une violence bien réelle. Cela aurait pu être une bombe ou une cagoule jetée sur la tête de quelqu’un.
La violence artistique entend générer quelque chose, la violence politique détruit, la violence artistique peut heurter de ses cris la tradition des générations antérieures. Cela peut retourner violemment ce qui existait au préalable, mais en ce faisant, suit une longue tradition de régénération. Toujours, elle fait avancer le langage de l’art.
La violence politique cherche à effacer. Son argument est d’effacer une idée offensante, une personne offensante, une pratique offensante ou une chose offensante. Les visions politiques simplistes sont offensées par le désordre de l’art. Dans ce contexte, l’art est vu comme obscène et doit être détruit« .
Légitimement on peut ne pas être d’accord -totalement ou partiellement- avec ce texte, mais, de toute façon à mon avis, il faut toujours connaître pour avoir la possibilité de juger, il faut réfléchir pour éliminer toute sorte de violence, il faut dialoguer pour bannir le cri et l’action de force, mais de tout sorte de cri et de toute sorte de force violents. Respect.
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