Verlaine, Prévert, poèmes et l’art

Cet article veut présenter la relation entre les poètes Verlaine et Prévert et l’art, comment ils ont traité l’art dans leurs poèmes.

Verlaine se sent inspiré par les fêtes galantes. Les fêtes galantes c’est le nom du genre pictural que Jean-Antoine Watteau inventa et incarna presque à lui tout seul. Elles sont des assemblées de jeunes gens flirtant sous les ombrages comme on peut admirer à « Fête galante dans un paysage boisé » (c. 1719-21, à la Wallace Collection, à Londres). Mais, c’est aussi le titre du second recueil de poésies publié par Paul Verlaine, qui y transpose brillamment l’atmosphère alanguie et libertine élaborée par le peintre.
Lisons cette transposition dans le poème « À la promenade » extrait de « Fêtes galantes » (1867):

« Le ciel si pâle et les arbres si grêles
Semblent sourire à nos costumes clairs
Qui vont flottant légers, avec des airs
De nonchalance et des mouvements d’ailes.
Et le vent doux ride l’humble bassin,
Et la lueur du soleil qu’atténue
L’ombre des bas tilleuls de l’avenue
Nous parvient bleue et mourante à dessein.
Trompeurs exquis et coquettes charmantes,
Coeurs tendres, mais affranchis du serment,
Nous devisons délicieusement,
Et les amants lutinent les amantes,
De qui la main imperceptible sait
Parfois donner un soufflet, qu’on échange
Contre un baiser sur l’extrême phalange
Du petit doigt, et comme la chose est
Immensément excessive et farouche,
On est puni par un regard très sec,
Lequel contraste, au demeurant, avec
La moue assez clémente de la bouche ».

 

De son côté, Jacques Prévert dans le poème « Promenade de Picasso » (extrait de « Paroles« , 1946), fait référence à la façon qu’a Pablo Picasso de jouer avec les codes de la peinture. Et Picasso lui-même ne s’y trompe pas, tout en affirmant que « il n’y a que dans ce qu’a écrit Prévert que je me retrouve ». Mais, lisons Prévert, soyons capables de nous l’apprivoiser, lisons-le à haute voix:
« Sur une assiette bien ronde en porcelaine réelle/ une pomme pose/ Face à face avec elle/ un peintre de la réalité/ essaie vainement de peindre/ la pomme telle qu’elle est/ mais/ elle ne se laisse pas faire/ la pomme/ elle a son mot à dire/ et plusieurs tours dans son sac de pomme/ la pomme / et la voilà qui tourne/ dans une assiette réelle/ sournoisement sur elle-même/ doucement sans bouger/ et comme un duc de Guise qui se déguise en bec de gaz/ parce qu’on veut malgré lui lui tirer le portrait/ la pomme se déguise en beau bruit déguisé […] C’est alors que Picasso/ qui passait par là comme il passe partout/ chaque jour comme chez lui/ voit la pomme et l’assiette et le peintre endormi/ Quelle idée de peindre une pomme/ dit Picasso/ et Picasso mange la pomme/ et la pomme lui dit merci/ et Picasso casse l’assiette/ et s’en va en souriant/ et le peintre arraché à ses songes/ comme une dent/ se retrouve tout seul devant sa toile inachevée/ avec au beau milieu de sa vaisselle brisée/ les terrifiants pépins de la réalité ».

Moi, je ne peux ajouter que: Bravo! Bravíssimo!

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