A la lecture du titre de cet article peut-être certains penseront-ils qu’il est consacré à un couple du monde de l’art, comme par exemple Auguste Rodin-Camille Claudel ou Gilbert & George. Mais non, ce n’est pas vraiment ça. Cet article a comme but de présenter deux personnages puissants du monde de l’art, très puissants, et me semble-t-il pas trop connus.
L’art contemporain, avec des stars comme Jeff Koons ou Damien Hirst, tourne quelquefois au glamour et au bling-bling. Et c’est bien souvent à l’initiative de ces deux personnes, un allemand et un français installé à New-York. D’un côté Tobias Meyer, patron de l’art contemporain chez Sotheby’s qui occupe toujours le même poste au niveau mondial, et de l’autre, Philippe Segalot, jadis patron de l’art contemporain chez Christie’s et aujourd’hui courtier indépendant influent.
A l’heure actuelle, cette fascination pour l’art contemporain tient du véritable phénomène de société. Malgré tout, il existe une élite financière qui tient à consommer de l’art et à faire partie de ce cercle VIP, qui fréquente les ventes de New-York et Londres, les foires de Bâle ou de Hong Kong ou encore la Biennale de Venise où, pourtant, officiellement rien n’est à vendre (du moins, officiellement…).
Tobias Meyer est un chef d’orchestre de l’envolée des cotes, extrêmement talentueux. Il est un manipulateur de goûts et d’opinions sur l’art contemporain et, en plus, contrairement à nombre de ses confrères, il a une culture artistique qui va très au-delà du seul XXème Siècle.
En novembre 2011, à New-York, il a réussi à vendre 7 tableaux de Gerard Richter, et à les vendre d’un coup. Sept peintures d’un coup c’est beaucoup pour le marché, mais plutôt que de considérer cette question comme un handicap, il l’a transformée en opportunité afin d’influer sur les goûts du public, et des consommateurs de l’art actuel. Il sait bien concevoir un catalogue et faire un accrochage.
Et pour soutenir son propos, Tobias Meyer fît un magnifique catalogue de cette exposition-vente. Un catalogue où on peut trouver des articles de Hans Ulrich Obrist (co-directeur de la Serpentine Gallery de Londres, la crème de la crème), de Norman Rosenthal (ancien patron de la Royal Academy) et de Robert Storr (le doyen de l’école d’art de Yale et commissaire de la Biennale de Venise de 2009). Un catalogue de 45 pages pour 7 œuvres, c’est beaucoup plus que la moyenne habituelle. Il y va fort…
Quel était l’objectif de Meyer ? Son objectif était de montrer que les tableaux abstraits de Richter sont aussi importants que ceux de Rothko. Pour appuyer son discours il mit d’ailleurs côte à côte un portrait de l’artiste allemand devant l’une de ses grandes peintures abstraites et une peinture de Rothko. Tobias Meyer défend-il une position d’historien de l’art ? Pas seulement. Rapprocher Richter de Rothko c’est rapprocher les deux cotes, et il faut se souvenir que le record pour Rothko est aujourd’hui établi à 65 millions de dollars…Richter est encore loin, mais…
Dans des déclarations à la presse, Tobias Meyer dit que « il faut trouver des choses très belles, donner du désir, les gens doivent rêver ». Et voilà comme il consacra une salle d’exposition de Sotheby’s aux Richter pour leur donner un aspect Rothko genre ‘chapelle’…Un côté mystique contemplatif. Mais, certainement, cette stratégie donna ses fruits : les résultats des enchères deviennent des nouveaux records, et donc, l’ensemble des Richter fit vendu pour 74 millions de dollars, face à une estimation base de 27 millions ! Et, de plus, le record fut obtenu pour le plus grand format, un tableau qui était ‘comme par hasard’ présenté en ouverture de la série dans le catalogue…C’est vraiment de rêver en grand…
Aujourd’hui l’argent donne de la crédibilité aux artistes mais ces derniers, pour assurer une honorabilité, continuent à avoir besoin de ceux qui sont capables de produire des idées, c’est-à-dire, les conservateurs et commissaires. Et voilà comment on continue à bâtir un cercle…. vertueux ou vicieux ?