À Rodez ils sont ravis du grand prix international qui consacre les architectes du Musée Soulages. En fait, Benoît Decron -directeur ultradynamique et inspiré des musées de Rodez et donc de son fleuron, le Musée Soulages- est bien placé pour applaudir le Prix Pritzker 2017 et féliciter ses lauréats, Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta, jeunes talents du cabinet catalan RCR Arquitectes.
C’est ce trio hyperdynamique, inventif, soucieux d’écologie et d’économie d’échelle, qui a signé la réussite architecturale du Musée Soulages. Sa déclinaison de cubes en acier Corten s’intègre parfaitement à la vieille ville brune et rose hissée sur son pic et voisine sans heurts avec sa superbe cathédrale.
Pour la petite histoire, il faut constater qu’en 2005, Colette et Pierre Soulages ont donné un ensemble d’œuvres important à l’agglomération du Grand Rodez aux fins d’y faire un musée. Cette donation, complétée en décembre 2012, réunit près de 40 peintures sur toile, de 1946 à 1986, 100 peintures sur papier dont les fameux Brous de noix, tout l’œuvre imprimé (eaux-fortes, lithographies, sérigraphies), les cartons préparatoires des vitraux de Conques, des bronzes et des inclusions de verre…
Pour décider du projet architectural, il a failli choisir parmi 98 architectes et cabinets d’architectes, dont Jean Nouvel, Paul Andreu, Kengo Kuma, Dominique Perrault ou Marc Barani, entre autres. Le président du jury a été Paul Chemetov. Le choix a été fait en 2008 des architectes de l’agence catalane RCR. Ils ont travaillé dans un esprit très proche de Soulages, notamment en privilégiant les passages ombres et lumière, en reprenant avec l’acier Corten l’idée, la couleur et la matière du brou de noix cher au peintre. Leurs lavis travaillés collectivement, comme les Beatles, sont des chefs-d’œuvre d’intention.
Qui plus est, ce trio venu de l’autre côté des Pyrénées, d’une autre culture, d’une autre génération, a développé une vraie complicité avec Pierre Soulages, 97 ans aujourd’hui, qui ne voulait pas d’un musée guindé ni baroque. Comme lui, ils voulaient un musée avec une certaine discrétion, au-delà duquel on puisse voir les monts de l’Aubrac. Très élégamment, le musée est érigé sur un ancien «terrain de jeux» de Soulages, au nord du jardin du Foirail qui était le lieu du dépotoir urbain depuis plusieurs siècles.
Pour Benoît Decron (voir l’interview signé par Valérie Duponchelle sur Le Figaro du 2 mars dernier), « le musée Soulages est un exemple de collaboration positive. Le peintre, un peu inquiet au départ sur la présence de l’acier, a accepté le parti pris et s’est réjoui du risque. En ce qui me concerne, j’aime ce musée pour son intégration rigoureuse à la végétation du jardin, dans cette rouille organique qui happe au dehors les états de la lumière. Le musée est vraiment au service de l’œuvre de Soulages. »
«Avec le recul du temps, depuis son inauguration par le président de la République, François Hollande, le 30 mai 2014, on peut mieux en juger. C’est une construction extrêmement fonctionnelle qui ne se la joue pas, en matière d’effets spéciaux. C’est une présence sans violence au bout du jardin à l’anglaise, avec un plateau d’expositions enterré, toujours vaste (les surfaces d’exposition temporaires et permanentes représentent 2300 mètres carrés).
Je vois ce musée comme un mariage heureux de ce que j’aime chez Mies Van der Rohe, une architecture à angles droits tapie dans la nature, et chez Carlo Scarpa, une scénographie sobre, une manière de parenthèse de l’objet artistique, voire la suspension, dans l’espace des salles. De la simplicité, plus qu’une scénographie, une muséographie au service de l’art d’aujourd’hui, évolutive. Le musée est comme un monument, comme une sculpture géante à même d’accrocher l’attention et le regard des visiteurs ».
De savoir que le cabinet RCR Arquitectes sont des lauréats du Pritzker Prize tout comme Rem Koolhas, Jean Nouvel, Richard Rogers, Toyō Itō ou Shigeru Ban doit combler les gens de Rodez et les gens du Musée Soulages. C’est un argument de plus dans le tourisme architectural, et aussi la preuve que les Soulages et les gens de Rodez et son agglomération ne se sont pas trompés. Fierté!
D’autre part, c‘est aussi vrai qu’il faut toujours faire admettre l’architecture contemporaine à des gens qui ne la prisent pas plus que la peinture moderne et contemporaine. Mais c’est une stimulation pour poursuivre une mission de médiation de façon intelligente.
Bravo Soulages ! Bravo Rodez ! Bravo les architectes catalans ! Bravo pour le courage et pour aller-au-delà des sentiers battus !
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