Pour l’homme d’affaires américain Tom Kaplan, dont la collection sera exposée au Musée du Louvre (« The Leiden Collection », du 22 février au 20 mai), l’art ancien est sous-estimé.
Tout ce qui l’intéresse est d’or. Il a d’abord réussi professionnellement en investissant dans ce métal précieux (Thomas Kaplan est à la tête de la firme The Electrum Group LLC, qui investit dans les matières premières). Puis l’or lui a permis de côtoyer ce qu’on appelle le Siècle d’or. Et, c’est ainsi, qu’il est devenu, avec son épouse Daphne Recanati Kaplan, le plus gros collectionneur privé au monde de ce genre pictural, qui culminait dans une période d’apogée des Pays-Bas au début du XVIIe siècle et dont l’un des chefs de file était Rembrandt.
Longtemps Thomas Kaplan a été discret dans ses acquisitions et dans ses nombreux prêts aux musées. Dans ce dessein, il avait nommé sa collection Leiden (Leyde en français), du nom de la ville de naissance de Rembrandt. Cette période est révolue.
A partir du 22 février le Louvre expose sous son nom une trentaine de ses peintures et dessins réunis parmi les 250 œuvres, dont 10 Rembrandt (plus exactement 10 peintures, 2 dessins et 9 peintures par son atelier). Il aime à raconter que c’est en 2003 que l’ancien patron de la Royal Academy de Londres, sir Norman Rosenthal, lui expliqua que l’art qui le fascinait, l’école de Rembrandt, était sous-évalué.
Dès lors, le collectionneur débutant aura des appétits insatiables. « Entre 2003 et 2008 j’achetais jusqu’à une œuvre par semaine. Il existe aujourd’hui environ 35 Rembrandt en mains privées. Mon dernier concurrent appartenait à la branche française de la famille Rothschild. Il ne l’est plus depuis qu’il a vendu en 2016 ses deux portraits conjointement au Louvre et au Rijksmuseum d’Amsterdam. On me les avait proposés mais la somme était trop élevée. Mon véritable espoir était que les deux portraits soient vendus au plus haut prix. » Et d’ajouter : « J’ai fait l’acquisition d’un de mes plus importants Rembrandt, « Minerve« , auprès du marchand new-yorkais Otto Naumann pour trois fois moins cher et la même semaine que l’adjudication d’une peinture d’Andy Warhol, « Green Car Crash« . A l’époque personne n’achetait comme nous. Les propositions affluaient. Nous prenions notre décision rapidement et payions immédiatement. »
Parmi ses « trophées », il y a aussi un Vermeer, « La jeune femme jouant du virginal », qu’il a acquise auprès du très médiatique entrepreneur de casinos de Las Vegas Steve Wynn, et qui figurera dans l’exposition Vermeer du Louvre, en février aussi.
L’année dernière l’œuvre vedette de la foire Tefaf de Maastricht était sur le stand des antiquaires parisiens Talabardon & Gautier : une peinture inédite de jeunesse de Rembrandt achetée pour 870.000 dollars dans une vente aux enchères du New Jersey. Kaplan possédait deux œuvres de la même série. On parle d’un prix aux alentours de 2 millions de dollars. « Désormais notre rythme d’acquisition est plus proche du tableau par an », explique Thomas Kaplan.
Dans l’exposition du Louvre, on pourra découvrir une peinture dont ce dernier a fait don au Musée. « Eliezer et Rebecca au puits » peint par Ferdinand Bol (1616-1680), un élève de Rembrandt, a été acheté en 2009 à Versailles par le couple Kaplan pour 1,3 million d’euros. Le Louvre n’avait alors pas eu les moyens d’investir un tel montant.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le plus gros collectionneur au monde de l’école de Rembrandt ne possède pas une seule œuvre du genre chez lui. « A la maison j’ai des reproductions photographiques des œuvres, qui sont encadrées. La priorité est donnée au prêt. Mon plaisir intime, c’est de savoir que le public peut les voir. Rendre est plus important que recevoir. » Et d’ajouter en français : « La connaissance est la mémoire du cœur. »
On peut se demander ce qu’il adviendra de la collection Leiden dans le futur. « Notre message est que collectionner l’art du temps de Rembrandt est encore pertinent aujourd’hui. Je voudrais que cette collection reste unie », confesse le singulier collectionneur. On peut imaginer que nombre de musées du monde seraient heureux de devenir propriétaires de la collection Leiden, surtout après l’approbation donnée à ces tableaux anciens par une instance comme le Louvre.
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